Chroniques

par laurent bergnach

Philippe Jordan
Les 100 mots de l’opéra

Presses Universitaires de France (2013) 128 pages
ISBN 978-2-13-061757-0
Philippe Jordan | Les 100 mots de l’opéra

Saviez-vous que le mot « lyrique » renvoie à l’Antiquité grecque et à la lyre qui accompagnait le chant des poètes ? Que la notion d’ « art total » apparaît dans l’histoire musicale bien avant Wagner – lequel fit éteindre la salle durant la représentation ? Que les castrats, en leur temps, étaient reçus à la cour des rois ? Que les troupes attachées à un théâtre ont disparu à partir du XXe siècle ? Qu’à la même époque on est revenu peu à peu au livret en langue originale ? Que les premiers surtitres ont été utilisés à Toronto en 1983 ? Que les artistes peuvent s’échanger des cadeaux les soirs de première ? Qu’on trouve un téléphone dans la fosse de Bayreuth ? Ou encore qu’on peut aimer le football et être séduit par une représentation des Noces de Figaro ?

Si le monde de l’opéra n’est plus un mystère pour vous – mais saviez-vous qu’un spectacle de Robert Wilson demande jusqu’à deux cents heures de réglage des lumières ? que l’emplacement de la boîte du souffleur fait l’objet d’un compromis ? –, cet abécédaire pourvu d’une centaine d’entrées, qui a pour vocation de « révéler la dimension charnelle de l’opéra », vous permettra du moins de mieux connaître l’actuel directeur musical de l’Opéra national de Paris [lire notre entretien] et des Wiener Sinfoniker, et sa manière de s’approprier le texte musical d’une œuvre en plusieurs étapes :

« d’abord en travaillant à la table. J’analyse la forme, je décide de mes battues, repère les entrées ; j’annote énormément la partition. Puis, en jouant certaines lignes musicales au piano, j’essaie de comprendre leur fonctionnement. Ensuite, j’écoute des enregistrements. On trouve des chefs qui s’y refusent, de peur d’imiter les interprétations entendues et de ne plus prêter attention à ce qui se trouve dans la partition. Mais si je tiens tout de même à cette écoute, c’est que la partition ne m’apparaît pas comme la seule vérité. À l’opéra, en particulier, des traditions se transmettent hors de ce cadre ».

Outre des informations pratiques sur la vie d’un théâtre, le lecteur recueille les remarques d’un chef encore trentenaire sur son quotidien international (appréhender la hauteur et la température de fosse, l’équilibre sonore de l’orchestre, des voix lors d’une audition, etc.) et l’évolution parfois inquiétante (diction négligée, coproductions uniformes, fidélisation ardue, etc.) d’un métier qui demande « beaucoup de créativité et d’échanger sans cesse avec les autres ». S’il ne nous était pas déjà aimable, cet amateur de Mozart, Wagner et Verdi le deviendrait assurément – au point qu’on pourrait le taquiner sur les « places » à 5€ de Bastille ou le programme « en général [pas très souvent…] d’un peu plus d’une centaine de pages ».

LB