Chroniques

par laurent bergnach

Philippe Leroux
pièces pour percussion

1 CD Soupir éditions (2017)
S 232
L'ensemble de percussions Sixtrum joue trois pièces de Philippe Leroux (1959)

Dans la série d’entretiens que Philippe Leroux accorde à son confrère Elvio Cipollone, on trouve l’affirmation suivante : « la poésie ne peut survenir que sur un matériel conceptuel ou sonore que l’on domine et que l’on peut particulariser, sinon on ne fait que revisiter les mêmes éternels schémas musicaux » (in Musique, une aire de jeux, Éditions MF, 2009). Le natif de Boulogne sur Seine (1959) a une quinzaine d’années quand il découvre les instruments de percussion qui sont au cœur de cet album. Ils nourrissent ses premières réflexions sur le temps, le timbre, etc., et leur utilisation est fréquente depuis lors. Cependant, il faudrait attendre un quart de siècle pour que la percussion apparaisse nue, sans l’orchestre alentour.

Le 30 septembre 2001, suite à leur rencontre avec le compositeur, Les Percussions de Strasbourg créent De la vitesse. Comme l’explique Philippe Leroux, sa matière est constituée d’une trentaine de formules rythmiques de tambour militaire qui, par répétition et superposition, finissent par former des textures sonores, soit un méta-son. « Cette écriture en empilement de strates, du fait des retards entre les couches, génère un sentiment d’espace en profondeur entre les figures employées » (notice du CD), lequel entre en vibration avec l’espace acoustique de la salle du concert. Si, pour plusieurs raisons, l’œuvre aux riches alliages gagne à être entendue en concert [lire notre chronique 6 décembre 2018], cette expérience discographique continue de susciter l’intérêt.

Commandé par un concours luxembourgeois, Les uns (Lyon, 2003) est un trio pour lequel João Catalão, Kristie Ibrahim et Fabrice Marandola s’isolent des autres membres de Sixtrum – Julien Compagne, Julien Grégoire et Philip Hornsey. À l’aide d’un continuum actif et dynamique, l’auditeur y est associé à la transformation, voire la transmutation des éléments. L’opus s’avère assez sobre et calme, voire débonnaire, avec quelques surgissements fiévreux cependant. On peut facilement imaginer que quelque chose est raconté.

De la vitesse entamait un triptyque complété par De la texture (San Francisco, 2007) et De l’itération (Montréal, 2013) – joué ici, ce dernier trouve son titre dans la notion mathématique qui suppose la répétition d’un processus. Glockenspiel, vibraphone et marimba sont favorisés, au service du rythme plutôt que du timbre, le compositeur nous entrainant dans des sortes de montagnes russes – accélérations et ralentis, ascensions et chutes. Cette commande de Sixtrum, ensemble résidant à Montréal, complète un programme en finesse qui exclut la violence souvent associée à la percussion.

LB