Chroniques

par nicolas mesnier-nature

récital Teodora Gheorghiu
Ravel – Respighi – Strauss – Zemlinsky

1 CD Aparté (2013)
AP 054
Teodora Gheorghiu chante Ravel – Respighi – Strauss – Zemlinsky

Une précision d'abord : faites attention, il ne s'agit pas ici du soprano mondialement connue prénommée Angela mais de Teodora, homonyme seulement par le nom de famille et qui partage la même origine roumaine. Pour ceux qui ne la connaissent pas, la jeune femme, d'abord flûtiste, fut orientée vers le chant grâce à José Carreras. Elle touchera plus tard à un répertoire varié, dans des grands rôles mozartiens, straussiens, rossiniens et baroques...

Ceci dit, nous retrouvons son goût pour l'éclectisme dans ce volume consacré à la période artistique de l'Art nouveau, même si l'appellation ne concerne pas l'art des sons. La thématique entre-deux-siècles – sans doute la plus importante période de l'histoire de la musique – permet de dérouler un répertoire à la fois assez connu (Strauss, Ravel) et totalement marginal (Zemlinsky, Respighi). Secondaires, d'ailleurs, les Lieder de Zemlinsky ? Et les mélodies de Respighi ? Si beaucoup de choses restent à découvrir de ces deux auteurs, on peut affirmer que ce n'est pas par cette partie de leur corpus qu'on commencera. En fait, cet enregistrement joue sur les deux tableaux, et c'est un choix heureux : d'une part, donc, des Ravel (Rêves, Manteau de fleurs, etc.) et des Strauss (Mädchenblumen Op.22, Drei Lieder der Ophelia Op.67) relativement proches de nous par le style et les contacts occasionnels qui nous amènent à les écouter ; et d'autre part les quasi découvertes d'auteurs occultés par leurs aînés, hormis quelques morceaux qui ont la faveur des mélomanes (la Lyrische Sinfonie Op.48 ou la Trilogia Romana).

En ce qui concerne diction, et à défaut d'être germanophone et italianophone, notre opinion se fera essentiellement d'après les Ravel. Car l'art très difficile de la mélodie n'est viable et ne fonctionne que si et seulement si l'articulation et la compréhension sont vérifiées sans le texte sous les yeux pour repère. Teodora Gheorghiu s'en sort avec aisance, malgré de toutes petites faiblesses et incompréhensions dans les hauteurs (lot des meilleurs), et mis à part les termes exotiques des Mélodies populaires grecques. La voix se caractérise par une belle aisance dans les aigus, à peine soutenus par un léger vibrato, et une bonne tenue globale. Mais sur tous les morceaux règne une sorte de manque de caractère, dû sans doute à un timbre attendu, sans réel tempérament. Il n’est pas sûr qu'on reconnaisse dès la première note la voix de Teodora Gheorghiu (apanage des interprètes exceptionnelles). En dehors de cela, la complicité avec le pianiste Jonathan Aner fonctionne très bien, dans un bon échange.

Ce disque reste une curiosité loin d'être essentielle, mais qui aura une bonne place chez les amateurs de mélodies.

NMN