Chroniques

par laurent bergnach

Reinhard Keiser
œuvres variées

1 CD Ambitus (1998)
amb 97 965
À la tête de Capella Orlandi Bremen, Thomas Ihlenfeldt joue Reinhard Keiser

Après une enfance passée à Teuchern (de nos jours en Saxe-Anhalt), où l’organiste local amorce sa formation musicale, Reinhard Keiser (1674-1739) entre à la Thomasschule de Leipzig. Dans l’école quadricentenaire fondée en 1212, il étudie avec Johann Kuhnau et Johann Schelle – choriste durant l’enfance sous la direction d’Heinrich Schütz.

D’abord au service du duc de Brunswick-Wolfenbüttel (Brunswick), puis de celui de Mecklenburg (Schwerin), Keiser devient maître de chapelle à l’Oper am Gänsemarkt (Hambourg, 1697). Il prend aussi la direction de l’établissement prestigieux (1703), avec ses deux mille places accessibles près de trois fois par semaine pour goûter Graupner, Händel et Mattheson. Le déclin de l’institution préfigure celui du musicien. En quête d’un poste fixe entre 1718 et 1728 (Stuttgart, Durlach, Copenhague), il retrouve sa ville d’adoption où règne désormais Telemann, et se limite à la musique sacrée, loin des Singspiel de sa jeunesse.

Les sources se contredisent sur leur nombre (cent ? soixante-dix ? soixante ?), mais une chose est sûre : les opéras de Keiser sont bien oubliés, d’autant plus qu’incomplets, pour les deux tiers. Beaucoup sont inspirés par la mythologie, parmi lesquels Procris und Cephalus (1694), Die wunderbar errettete Iphigenia (1699), Die sterbende Eurydice oder Orpheus (1702), Das zerstörte Troja (1716), Ulysses (1722), etc.

Le présent programme fait entendre les ouvertures de Der geliebte Adonis (Adonis, le bien aimé, 1697), Der geschlossene Tempel des Janus (Le temple fermé de Janus, 1698) et Der verführte Claudius (Claudius charmé, 1703). De ce dernier, entré dans l’histoire pour mêler airs italiens et allemands, quatre mouvements de danse sont également joués (Menuet, Rondeau, Bourrée, etc.).

Ces extraits alternent avec trois des sept cantates dédiées au duc Braunschweig-Lüneburg, qui composent le recueil Reinhard Keisers Gemüths-Ergötzung (Divertissement sur les états d’âmes de Reinhard Keiser, 1698). Les mots du juriste-poète Christian Heinrich Postel (1658-1705) peignent une Arcadie bucolique où seule la souffrance amoureuse est de mise, mêlant nymphes (Clymene, Melisse, etc.) et bergers (Philenus, Amyntas, etc.), jardinier (Melanthus) et pêcheur (Polidorus).

Malheureusement, le bonheur n’est pas non plus musical sur ces terres idylliques… À la tête de l’orchestre Capella Orlandi Bremen fondé en 1990, le théorbiste Thomas Ihlenfeldt se montre peu bondissant, voire soporifique, même si toujours élégant – comme l’avait prouvé sa lecture de Sieg der fruchtbaren Pomona (1702) [lire notre critique du CD]. La présence de Sabine Paßow n’arrange rien, soprano assez cru, souvent raide et instable.

LB