Chroniques

par laurent bergnach

Richard Wagner
Tristan und Isolde | Tristan et Iseult

2 DVD Bel Air Classiques (2006)
BAC 014
Richard Wagner | Tristan und Isolde

En février 2005, au Grand Théâtre de Genève, Olivier Py mettait en scène Tristan und Isolde, un opéra découvert à la télévision quand il avait quinze ans. « Je n'avais donc pas le sentiment d'aborder une œuvre extérieure à moi, dont je devais faire une lecture. [...] Mon rapport à une œuvre est plus intime. J'ai davantage l'impression de traduirepour la société dans laquelle je me trouve, avec des éléments du théâtre de mon temps, plutôt que de lire ». Pour lui, l'action musicale de Wagner est dangereuse, car elle n'indique que la mort, et plus particulièrement sa conquête. C'est pourquoi le roi Marke, à la fin de l'Acte II, surprend les amants une coupe de poison à la main. Après leur passage dans différentes pièces qui sont autant d'espace temps de l'intimité amoureuse, cette proposition de délivrance – proche du suicide – ne choque pas le spectateur, comme sont acceptés les personnages fantasmatiques du dernier acte (enfant-roi, naïade, chevalier en armure), sur un plateau recouvert d'eau, durant l'agonie du héros.

Hélas pour nous, le spectacle a été filmé par Andy Sommer. Que le Prélude nous régale de multiples détails de fosse alors que nous attendons de nous familiariser avec le décor, passe encore ; mais au bout d'une demi-heure, le montage nerveux et fragmentaire, privilégiant des angles multiples, tordus, ainsi que les gros plans, ne nous offre toujours pas une idée de l'espace scénique. Pire encore, la caméra aime à s'emballer avec l'action, nous privant parfois d'informations précieuses. Le réalisateur finit par se calmer, préférant s’attarder sur des effets de filtre – très beau vert batracien sur les malheureux ayant bu à la même coupe – ou sur un flashback ridicule dégradant ce même passage. Dans un complément de programme qui revient sur six semaines de répétition, avec le sens des proportions d'un lieu, Benoît Rossel rend autrement justice aux artisans du projet.

Le travail des chanteurs s'avère également plus honnête que celui des images. Avec des aigus soignés, du grave ayant du corps, Jeanne-Michèle Charbonnet est une Isolde vaillante, mais à la couleur assez monochrome et au jeu peu expressif, bien qu'outré. Avant de s'arrondir (délicats passages en voix mixte), Clifton Forbis déçoit tout d'abord par une émission peu stable, un placement nasillard et un aigu étroit ; sans trop en faire, son Tristan possède beaucoup de présence. Mihoko Fujimura (Brangäne) est souple, très proche du texte. Albert Dohmen (Kurwenal) possède une pâte extrêmement riche, de la sensibilité et l'art de la nuance. Le chant d'Alfred Reiter (Marke) est fiable ; celui de David Sotgiu (marin puis berger) clair et vaillant. Très contrasté, l'Orchestre de la Suisse Romande est construit par Armin Jordan à partir d'une conception chambriste de l'œuvre, évitant de tailler dans une masse sonore comme on le fait généralement.

LB