Chroniques

par samuel moreau

Richard Wagner
Lohengrin

2 DVD Deutsche Grammophon (2008)
00440 073 4404
Richard Wagner | Lohengrin

Qui connaît les personnages en souffrance immortalisés par Werner Herzog (Woyzeck, Kaspar Hauser, Nosferatu), ne sera pas surpris d'apprendre que c'est Doktor Faust qui donne au cinéaste allemand l'occasion d'une première mise en scène pour l'opéra (Bologne, 1986). Le succès remporté incite Wolfgang Wagner à lui proposer une réflexion sur Lohengrin. En tandem avec son décorateur habituel, Henning von Gierke, Herzog prend l'ouvrage au pied de la lettre (cadre nord-européen du Xe siècle) et médite les conseils du directeur artistique de Bayreuth : « la consigne était que cette production devait rester au répertoire pendant cinq ans – alors pas de facéties au goût du jour ».

La production, filmée entre le 24 juin et le 1er juillet 1990, offre un paysage au sol gelé et au soleil blanc ; les branches d'arbres dessinant le cadre à l'avant-scène et la grande profondeur du plateau livre des perspectives dignes d'un Breughel. Dans l'Acte II, c'est l'univers de Caspar David Friedrich (quasi contemporain de Wagner) qui est convoqué, avec son clair de lune se reflétant dans une eau agitée d'un flux et d'un reflux, ses ruines pittoresques qui attendent que mer et vent les rongent totalement – à l'image de la foi des uns et des autres, fallait-il bâtir sur du sable ? Filmée avec savoir-faire, la mise en scène, un peu statique au début, finit par gagner notre attention, notamment avec l'apparition surnaturelle de l'homme au cygne, au milieu de la fumée et des lasers. Les costumes, somptueux et variés, contribuent également à la réputation de ce théâtre à grand spectacle.

La direction fluide, souple et équilibrée dePeter Schneider nous accueille sans solennité, juste avant l'arrivée d'Eike Wilm Schulte (Héraut), soliste qui possède un impact clair, un timbre cuivré et une belle lumière dans l'aigu. Manfred Schenk (L'Oiseleur) incarne un roi à la présence douce et imposante ; le chant d'abord tendu – avec aigu peu stable et grave manquant de corps – ne demande que du temps pour s'épanouir. S'il se révèle parfois grossier, Ekkehard Wlaschiha (Telramund) ne manque pas de vaillance et de solidité ; une couleur mordante et de riches harmoniques sont ses atouts. Crédible sans avoir à surjouer, Cheryl Studer offre à Elsa une fraîcheur assez mozartienne, parfaitement angélique. Gabriela Schnaut (Ortrud) nous bluffe une nouvelle fois avec sa voix immense (qui explique quelques instabilités), doublée d'un art de la nuance.

Dommage que le rôle-titre, défendu par Paul Frey, ne satisfasse qu'à moitié : le ténor enchante par une voix puissante, des attaques délicates et des finals bien accompagnés (en particulier lors de la révélation du secret), mais déçoit par une diction perfectible, de fréquent changement de place et un certain manque de souplesse. Enfin, félicitons l'Orchester der Bayreuther Festspiele pour ses solis de qualité, ainsi que le Chœur à l'expression très dosée et évidente, uni comme une seule voix.

SM