Chroniques

par laurent bergnach

Richard Wagner
Tristan und Isolde | Tristan et Iseult

3 DVD Opus Arte (2008)
OA 0988 D
Richard Wagner | Tristan und Isolde

Par son décor unique et un plateau dépouillé, cette production du Festival de Glyndebourne – filmée en août dernier, quelques semaines avant son passage par Baden Baden [lire notre chronique du 27 septembre 2007] – livre une scène qui veut s'arracher à l'illusion théâtrale pour devenir une entité sonore, musicale et visuelle, en accord avec une œuvre d'exception, créée à Munich le 10 juin 1865. Ainsi que le soutient Nikolaus Lehnhoff :

« La dramaturgie de Tristan et Isolde est une dramaturgie de la lumière. Les différents lieux de l'action, à savoir le bateau, le jardin et le château, sont des codes scéniques qui ne requièrent pas de représentation scénique. L'âme est le théâtre de l'action, en ce sens que la cosmogonie de l'âme est visibleet vécue avant même que les réalités du temps et de l'espace ne se figent au moment le plus dramatique de chaque acte. La situation exige ici un cadreparticulièrement bien articulé [...]. L'acte final met en scène l'état de dissolution, le néant post-apocalyptique. Ce n'est pas avant son Liebestod qu'Isolde se fond dans l'espace dans une lumière infinie, surmontant le monde matériel en devenant immatérielle. »

Comme les deux suivants, le premier prélude se veut vierge d'images, pour ne pas nous distraire et nous préparer à l'intériorité de l'histoire. On a l'impression de redécouvrir l'œuvre, d'autant que le London Philharmonic Orchestra, conduit par l'excellent Jiří Bělohlávek, offre un son très clair et d'une grande pureté, au diapason duquel se montre Timothy Robinson (jeune marin, puis berger). Toujours un peu tremblante, Katarina Karnéus (Brangäne) s'avère cependant efficace. Immergée dans son personnage d'un bout à l'autre de l'ouvrage, Nina Stemme (Isolde) présente les qualités d'un grand soprano dramatique – notamment de par un grave musclé.

En revanche, Robert Gambill (Tristan) possède la puissance sans assurer la justesse, la stabilité ou encore l'intériorité dramatique : fatigué dès le deuxième acte, au troisième, il semble incarner un malade mental plus que la victime de Melot – Stephen Gadd. Plus efficace apparaît Bo Skovhus (Kurwenal) qui allie sonorité et tendresse de l'aigu à une sobriété de jeu. Si on regrette une vraie basse dans le rôle de Marke, René Pape séduit par un aigu très coloré qui équilibre un grave manquant de profondeur.

Ce coffret propose deux reportages en complément de programme, de près d'une heure chacun. Le premier mêle images de festivaliers, extraits du spectacle et rencontres avec ses principaux protagonistes (chanteurs, metteur en scène, décorateur) dont les commentaires, en forme d'initiation au néophyte, n'apportent pas grand-chose sinon rappeler l'importance de la mort dans l'ouvrage. Le second laisse la parole à Richard Trimborn qui insiste sur le contexte philosophique de l'ouvrage (influence de Schopenhauer, rêve d'union entre Orient et Occident, etc.) mais avance des idées musicologiques parfois douteuses (analyser une œuvre romantique annonçant le symbolisme avec des références aux canons baroques).

LB