Chroniques

par laurent bergnach

Richard Wagner
Siegfried

2 DVD Arthaus Musik (2009)
101 357
Richard Wagner | Siegfried

Voici la Deuxième journée d'une Tétralogie montée au Deutsches Nationaltheater de Weimar, en octobre 2007. Ce qui commençait comme un jeu d'enfant a fini par bouleverser de manière radicale le cours des événements sur lesquels l'ombre du passé pèse de plus en plus lourdement. Le héros destiné à libérer le monde entier se révèle être un homme hanté par la question existentielle de son passage à l'âge adulte et de l'apprentissage de la vie, avec ou sans peur. Les dramaturges Juliane Schunke et Wolfgang Willaschek résument ainsi l'ouvrage créé à Bayreuth le 16 août 1876 :

« Siegfried est une légende cruelle, […] une pièce didactique fascinante, par ses différentes dimensions et sa modernité, oscillant sans cesse entre la brutalité et la finesse émotionnelle. L'œuvre présente non seulement un héros qui part à l'aventure pour connaître la peur, mais également un enfant ignorant lâché dans la nature, à la recherche de son identité et de l'amour ; il se retrouve alors pris dans un jeu d'illusions et de mensonges – sans aucune chance d'échapper à la catastrophe qui se dessine ».

Cette désorientation du fils de Sieglinde est subtilement décrite par la mise en scène de Michael Schulz : enfant d'abord caché sous la table, il devient un solide gaillard qui pourrait se contenter d'une vie au grand air si des questions culturelles et sexuelles ne venaient le titiller. En effet, comment croire qu'un même sang le lie à Mime, figure androgyne et grotesque en tablier de ménagère, paupières fardées et bottines de clown ? Ici, chaque invention (Fafner proche du ver) s'appuie sur une grande connaissance du texte, chaque détail (col élimé de Wotan, théâtre d'Erda) raconte à lui seul une histoire.

Naturel et théâtral, Johnny van Hall incarne le rôle-titre avec beaucoup d'aisance – au point qu'on oublie une technique perfectible –, formant un duo équilibré avec Frieder Aurich (Mime). Très précis, Mario Hoff (Alberich) jouit d'une émission vocale très définie. Hidekazu Tsumaya interprète de nouveau un vaillant Fafner, dont l'agonie est rendue particulièrement émouvante par la douceur des aigus. Nadine Weissmann est une Erda chaleureuse et tendre. Nous retrouvons Catherine Foster dans le rôle de Brünnhilde, au réveil plein de délicatesse et dont les saluts à l'univers s'offrent sans grandiloquence. Présence charismatique mais vibrato fatigué, Tomas Möwes (Wotan) perd peu à peu son grave, son aigu et son legato.

Comme pour les premiers épisodes de cette Tétralogie, Das Rheingold et Die Walküre [lire notre critique du DVD], Carl St.Clair et la Staatskapelle Weimar oscillent entre le meilleur (Prélude de l'Acte II, riche en tension et en suspense) et le médiocre (orchestre terne et laborieux, avec des approximations – comme pour la scène des trois questions à Wotan).

LB