Chroniques

par laurent bergnach

Richard Wagner
Rienzi, der letzte der Tribunen | Rienzi, le dernier des tribuns

2 DVD Opus Arte (2013)
OA 1110 D
Richard Wagner | Rienzi, der letzte der Tribunen

Après Die Feen (composé en 1933), héritier de la tradition romantique germanique, et Das Liebesverbot (1836), « imitation de la moderne cantilène italienne », le jeune Richard Wagner (1813-1883) vise l’Opéra de Paris, temple des ouvrages héroïques signés Auber, Halévy, Meyerbeer et Spontini, et s’attelle à un ouvrage en cinq actes aux accents de grand opéra français, « avec des hymnes, des cortèges et le fracas des armes rendus par la musique ». Il s’inspire d’un roman d’Edward Bulwer-Lytton paru en 1835, qui fait revivre la figure médiévale de Cola di Rienzo (1313-1354), idéaliste soucieux de restaurer le prestige de l’ancienne République romaine, et conçoit seul le livret de Rienzi. Ce dernier dessine un héros vertueux qui parvient, appuyé par l’Église, à imposer une trêve entre les familles patriciennes. Mais en annonçant au peuple la fin de la toute-puissance des nobles, il se fait des ennemis parmi ces derniers…

Créé au Königlisches Sächsisches Hoftheater de Dresde le 20 octobre 1842, l’ouvrage s’installe sur les planches du Capitole de Toulouse, cent soixante-dix ans plus tard [lire notre chronique du 10 octobre 2012]. « Wagnerolâtre » tardive puisqu’il fallut attendre 1891 pour y entendre Lohengrin, la ville rose a choisi Jorge Lavelli pour le mettre en scène, un homme expérimenté qui, à l’instar d’un Wagner lecteur de Proudhon et Bakounine, évite la reconstitution historique, et ne laisse aucune place à l’improvisation. Aux films d’archives d’abord projetés (liesses et révoltes populaires) succèdent des protagonistes théâtraux au visage blanchi, vêtus de couleurs franches pour les principaux (Le rouge et le noir) ou de pastels délavés pour le chœur, qui se détachent du gris de parois métalliques, sous la lumière crue. Lavelli estime le rôle-titre proche des syndicalistes et réformateurs du XIXe siècle et résume :

« Rienzi retrace l’itinéraire d’un personnage qui surgit d’une autre classe, tel le coup de force politique d’un individu qui réussit en s’imposant et assume son succès. L’idée que Rienzi se fait de la compréhension et du pardon finit par le trahir. Après l’attentat et la confession des coupables, la guerre éclate. Chaque fois que Rienzi veut imposer sa générosité, il n’est plus compris des autres. Je pense à toutes ces sociétés qui se sont transformées sous la pression de ceux qui recherchaient plus de bien-être : ces sociétés, souvent engagées dans des principes socialistes, se sont retrouvées rigoureusement fermées. Après une période de transition, d’espoir, tout se rétrécit, se dégonfle […] ».

Il fallait un ténor endurant et d’une large tessiture pour incarner le rôle-titre ; comme à Berlin deux ans plus tôt [lire notre critique du DVD], Torsten Kerl paraissait un choix cohérent, avec son chant vaillant, direct et lumineux. Crédible en homme, le mezzo Daniela Sindram (Adriano) sublime son air de l’Acte III avec des ornements ciselés, une diction moelleuse et un legato superbe. Personnage plus discret, Marika Schönberg (Irene) offre un chant rond et tendre. Les ennemis de Rienzi déçoivent – Stefan Heidemann (Orsini) tremblant et Richard Wiegold (Colonna) sourd – quand réjouissent ses alliés – Marc Heller (Baroncelli) onctueux et doux, ainsi que Leonardo Neiva (del Veccio) ferme et coloré. Robert Bork (Cardinal Orvieto) possède un souffle long tandis que Jennifer O’Loughlin (Messager de la Paix) s’avère un soprano encore un peu étroit et vert. Enfin, le Chœur de La Scala renforce celuide la maison.

Considéré à Vienne comme le chef des raretés, Pinchas Steinberg s’inquiète, dans un des cinq entretiens offerts en bonus, de l’équilibre à trouver dans les coupes que nécessite l’ouvrage-fleuve déjà dirigé en concert pour tenir en trois heures. À la tête de l’Orchestre national du Capitole, il se montre majestueux, mais sans la pompe redoutée. [distribution DistrArt Musique]

LB