Chroniques

par laurent bergnach

Robert Schumann
Myrthen Op.25

1 CD Profil / Hänssler (2014)
PH 14048
Diana Damrau et Iván Paley interprètent Myrthen de Robert Schumann

Le 4 mars 1854, Robert Schumann (1810-1856) est conduit à l’hôpital psychiatrique d’Endenich, près de Bonn, dont il ne sortira plus, malheureusement pour le musicien affolé par les asiles autant que par les clés et les objets coupants. Clara, la mère de ses huit enfants, lui écrit à partir de septembre seulement et, tandis que des amis tentent de la convaincre qu’un an de « détention » est déjà trop pour l’artiste, s’oppose avec énergie au retour d’un mari à moitié guéri. Pour finir, elle ne lui accorde qu’un rendez-vous, le 23 juillet 1856, moins d’une semaine avant sa mort. Qui aurait pu prévoir cet éloignement chez un des couples les plus célèbres de l’époque romantique ? Tout avait-il trop bien commencé, des décennies plus tôt ?

Étudiant à Leipzig, le jeune Schumann est moins attiré par ses cours de droit que par l’univers des salons. C’est là qu’il rencontre Friedrich Wieck (1785-1873), facteur et professeur de piano, dont le mariage avec la chanteuse Marianne Tromlitz a donné un fruit dont il espère beaucoup : sa fille Clara (née en 1819), concertiste prodige avant même la puberté. Comme il étudie la musique avec son père, logeant même un temps dans la famille, Robert rencontre Clara dès 1827 – lui âgé de dix-sept ans, elle de huit. Huit ans plus tard, elle s’éprend sans retour de celui qui vient de rompre des fiançailles avec une élève de Wieck. Vient alors le temps du premier baiser (novembre 1835), de la demande en mariage (septembre 1837) puis, après bien des obstacles paternels dont un procès, de l’union religieux à Schönefeld, le 12 septembre 1840.

Selon une expression courante, Myrthen Op.25 est un présent glissé dans la corbeille de noces de Clara, qui reflètent un intérêt pour la musique de Schubert et une ouverture aux poètes jusque-là évités. Ainsi naissent, en début de cette année décisive, les Liederkreis Op.24 et Op.39, cycles de Lieder conçus respectivement sur des vers signés Heine et Eichendorff. Écrit entre janvier et avril 1840, Myrthen regroupe quant à lui vingt-six pièces inspirées par ses contemporains Goethe, Burns, Fanshawe, Moore, Willemer, Byron, Rückert, Heine et Mosen – dans l’ordre de naissance. Son titre fait référence à la fleur qui sert aux bouquets nuptiaux, symbole de bonheur et de fertilité.

Accompagnés par Stephan Matthias Lademann, pianiste souple et nuancé, deux chanteurs portent ce programme. L’Argentin Iván Paley (né en 1979) s’avère d’emblée incisif et vaillant, mais sa vigueur le mène parfois à l’instabilité, voire à quelques brutalités. On préfère donc le baryton dans les moments plus doux, en seconde partie de récital (Venetianisches Lied I, Aus den östlichen Rosen). En revanche, nulle réserve du côté de l’Allemande Diana Damrau (née en 1971), soprano qui fait cohabiter, avec aisance et agilité, des moments délicats (Die Lotusblume) avec d’autres plus flamboyants (Widmung), colorés (Hochländers Abschied) et expressifs (Rötsel). On redécouvre avec plaisir cette gravure éditée en 2006 par Telos Music Records.

LB