Chroniques

par laurent bergnach

The Giacomo variations | Les variations de Giacomo
« opéra de chambre » pour deux comédiens et deux chanteurs

1 DVD Arthaus Musik (2011)
101 570
The Giacomo variations, « opéra de chambre » pour comédiens et chanteurs

Pour qui aime les voyous en bas de soie, la vie de Giacomo Casanova est évidemment des plus passionnantes. Né en 1725, le Vénitien étudie la chimie, les mathématiques, la philosophie et le droit, avant d’envisager une carrière ecclésiastique. Mais très vite, tout dérape (sermon prononcé en état d’ébriété, rapt de la fille de son professeur de français, etc.), si bien qu’il a vingt ans à peine quand débute sa carrière d’aventurier. Celle-ci le mène à des séjours aléatoires (d’une prison à la cour de quelque souverain européen), sous diverses identités (la plus usuelle étant Chevalier de Seingalt) et dans des fonctions variées (enseigne de vaisseau, violoniste au service des Grimaldi, joueur, espion pour Choiseul, diplomate, secrétaire de l’Ambassadeur Foscarini, bibliothécaire du Comte Waldstein, et écrivain, bien sûr). D’avoir sauvé la vie d’un sénateur lui assure fortune et protection, mais il ne cesse d’agacer inquisiteurs – d’autant qu’on le sait franc-maçon depuis 1950 –, débiteurs et autres concurrents en séduction avec lesquels il engage des duels. C’est que les femmes sont une grande préoccupation pour ce libertin mondain qui, en mentionnant près de cent cinquante conquêtes dans Histoire de ma vie (écrit en français, pour toucher un plus large lectorat), va immanquablement forger sa réputation de coureur de jupons, avant et surtout après sa disparition, en 1798.

« Je ne suis pas noble comme tu le crois peut-être. Je n’ai pas de talent qui me permette de gagner de l’argent, pas de travail, et aucune raison de croire que je serai bientôt rassasié. J’ai la jeunesse, la santé, le courage, une étincelle d’intelligence, et le minuscule espoir d’une carrière littéraire. Mon plus grand bien, c’est d’être mon propre maitre. Je ne dépends de personne et je n’ai pas peur des mésaventures. Ma nature tire vers l’extravagance. Voilà ce que je suis. »

C’est ainsi que se présente le Casanova de Michael Sturminger, dans un spectacle de deux heures vingt qui évoque sa vie à grands traits. Et comme on ne change pas une équipe qui gagne, John Malkovich participe au nouveau projet du metteur en scène, après avoir incarné le tueur en série Unterweger [lire notre critique du DVD]. À la malicieuse Ingeborga Dapkunaite (Elisa van der Recke, « la femme qui a ruiné le défunt Cagliostro »), le comédien livre la clé pour comprendre le titre : « Je n’ai jamais pu faire quelque chose deux fois. J’avais besoin de diversité dans l’amour et dans les amours. J’ai besoin de variation. Vous aimeriez les variations si vous le vouliez ».

S’il se résumait à des chapitres feuilletés à l’aube de la mort, le spectacle filmé en janvier 2011 nous concernerait peu. Mais il est régulièrement enrichi de scènes d’opéras conçus par Mozart et Da Ponte – Le nozze di Figaro, Così fan tutte et, bien évidemment, Don Giovanni – qui donnent un relief tout particulier à l’ensemble. Expressive et attachante, Sophie Klußmann interprète donc plusieurs personnages, tout comme Florian Boesch – excellent Wozzeck de Cologne, quelques mois plus tard [lire notre chronique du 22 mai 2011] – qui ne manque ni de grave ni d’ampleur. La fluidité de ces insertions est un atout supplémentaire à cet « opéra de chambre » bourré d’esprit et rythmé par Martin Haselböck à la tête de l’orchestre Wiener Akademie. Un bonus de trente minutes rend compte des répétitions.

LB