Chroniques

par laurent bergnach

Toscanini par lui-même
un portrait d’Arturo Toscanini

1 DVD Medici Arts (2009)
3077928
une fiction en forme de portrait d’Arturo Toscanini

« Votre imagination est ardente et débordante. Vous êtes généreux tout en étant égotiste, et dépendant des impulsions de votre cœur, qui est votre maître. Vous êtes totalement introverti. Vous êtes plutôt mal à l'aise dans la vie quotidienne. Votre esprit ne connaît ni la paix, ni la sérénité, ni la satisfaction. Votre âme est tourmentée. Seule la création artistique peut vous apporter l'apaisement. »

Ce portrait assez juste d'Arturo Toscanini (1867-1957) en a surprit plus d'un, et en priorité l'intéressé qui ne savait pas qu'un jour, à son insu, son fils Walter avait envoyé une douzaine de mots écrits de la main du maestro à une rubrique de presse spécialisée en graphologie. Des années plus tard, ce sont près de cent cinquante heures d'enregistrement dans le cercle familial qui seront également effectuées sans que le père n'en sache rien. En 2007 – soit un demi-siècle après la disparition de celui qui assura la création mondiale de Pagliacci, La Bohème ou encore Turandot –, la famille autorisa l'accès à ces archives privées. Le film de Larry Weinstein en bénéficie directement et aide à mieux connaître un homme frappé de timidité maladive, rétif aux entretiens et aux Mémoires – que seuls des témoignages nous laissaient approcher avant qu'une centaine de ses lettres soient publiées en 2002.

Une nuit de Saint-Sylvestre, un huis clos de soixante-dix minutes réunit autour du patriarche les enfants Walter et Wally, le chef franco-canadien Wilfrid Pelletier, Anita Colombo (sorte d'assistante artistique pour le musicien dans les années vingt) et Iris Bilucaglia Cantelli (épouse d'un jeune chef admiré par son aîné). Retiré de la scène en 1954, le vieil artiste confie pensées et anecdotes. De même que cette fiction s'illumine régulièrement d'images d'archives mêlant vie publique et vie privée, la conversation aborde les souvenirs intimes (enfance, rumeurs sentimentales) mais surtout son parcours professionnel.

Ainsi, qui ne connaîtrait rien de Toscanini aura une idée générale de ses apprentissages successifs (piano, violoncelle, direction), de ses rencontres avec Verdi et Puccini, de ses affections musicales (Beethoven, Wagner, Catalani) et de certaines aversions (Stokowski, Furtwängler). Nous découvrons un homme inquiet et insatisfait, enviant le plaisir pris par ses confrères, qui refusa toujours de diriger dans un pays privé de liberté. De quoi donner envie d'aller plus loin en sa compagnie.

LB