Chroniques

par christian colombeau

Umberto Giordano
Andrea Chénier | André Chénier

1 DVD Warner Vision (2006) zones 2, 3, 4, 5, 6
3984-26655-2
José Carreras dans la production de la Scala de Milan, en 1984

Nous sommes en 1984, à la Scala de Milan. Brian Large y a installé ses caméras mais – hélas ! – la mise en scène conventionnelle de Lamberto Puggelli n'apporte pas un éclairage nouveau sur le quatrième opéra d'Umberto Giordano, créé in loco le 28 mars 1896. La trame est connue. Dans un contexte historique bien précis se noue, sous nos yeux, une histoire d'amour et de jalousie, offrant également l'observation d'une société en pleine mutation : déclin de l'aristocratie de province, terreur et aveuglement de la dictature révolutionnaire, mort injuste et programmée du poète André Chénier.

Bien peu d'images fortes dans cette captation scaligère qui accumule tous les poncifs : vie oisive luxueuse et sur le bord du gouffre pour les Coigny, tribunal populaire révulsif, attitudes convenues, décors et costumes passe-partout de Paulo Bregni et Luisa Spinatelli ; l'action quasi cinématographique construite par le librettiste et le compositeur tombe alors comme un soufflet mal cuit. Comble de l'ironie : si tous assument le minimum syndical dans les trois premiers actes, le dernier – le plus poignant – nous plonge dans la plus extrême des platitudes. Rien. Le degré zéro de l'émotion. Les deux héros semblant seulement soucieux de bien chanter. Avec un Son Io... plat comme une sole, on ne croit pas un seul instant au sacrifice de cette Madeleine minaudant comme une oie blanche qui attend son premier (ou dernier ?...) orgasme (…spirituel ?) avant de monter une flopée d'escaliers vers une Charrette Fantôme toute symbolique.

Mais, mais… Il y a José Carreras, engagé comme pas deux, bouillant, jeune, beau, survolté, d'une santé vocale et d'une efficacité dramatique irrésistibles. Plaisir aussi de retrouver le Gérard amer de Piero Cappucilli qui crève l'écran, juste de ton, impérial. L'accorte et gironde Eva Marton séduit, vocalement, en partie là encore, car au dernier acte sa platitude théâtrale déçoit de même qu'irrite sa gestuelle surannée. Quelques seconds rôles sont saisissants, vifs et bien en place : entre autres la Madelon de Rosa Laghezza ou le croquignolet Incroyable de Giuseppe Zecchillo.

On ne dira jamais assez combien l'orchestration d’Andrea Chénier est fine et délicate, l'instrumentation soignée, l'intensité lyrique pleine angoisse. Ce n'est quand même pas pour rien que, parmi les ouvrages de Giordano, seul celui-ci demeure au répertoire et fait recette. Il trouve ici en Riccardo Chailly un vaillant défenseur.

CC