Chroniques

par laurent bergnach

Vincenzo Bellini
I puritani | Les puritains

2 DVD Arthaus Musik (2011)
107 267
Vincenzo Bellini | I puritani

Qui sont donc ces Puritains à qui Vincenzo Bellini et son librettiste Carlo Pepoli consacrent un opéra en trois actes en s’inspirant d’un drame historique d’Ancelot et Boniface, Têtes rondes et Cavaliers (1833) ? Pour le comprendre, il faut remonter trois cents ans plus tôt, à l’époque où Henri VIII, contrarié dans sa volonté de divorcer d’avec Catherine d’Aragon, rompt avec le Pape (1531) avant de séparer l’Église d’Angleterre de la tutelle romaine (1534). Les protestants y voient l’opportunité de faire progresser les idées de la Réforme continentale. Persécutés sous la catholique Marie Tudor – Marie la sanglante, qui occupe le trône de 1553 à 1558, puisqu’elle demeure le seul enfant parvenu à l’âge adulte des six du couple précédemment cité –, ils ne retrouvent pas non plus leur idéal d’église primitive et communautaire dans cette hiérarchie épiscopale sous contrôle monarchique que favorise Élisabeth I (de 1558 à 1603) – cette même Gloriana dont Britten ferait un opéra [lire notre critique du DVD]. C’est leur désir de purifier le pays (en particulier, lors d’une querelle autour des vêtements liturgiques) qui valut aux calvinistes le surnom de puritains.

Le temps s’écoule sans apaiser les esprits. Pour des raisons économiques et religieuses, le règne de Charles I (de 1625 à 1649) conduit à la guerre civile, opposant le camp des Têtes rondes (surnom donné aux puritains, partisans du Parlement, conduit par Cromwell), à celui des Cavaliers, qui soutiennent leur souverain et sa volonté d’imposer par la force l’anglicanisme (voie médiane entre catholicisme et Réforme). Composé à partir d’avril 1834, puis créé avec succès au Théâtre-Italien de Paris le 25 janvier 1835, l’ultime ouvrage du créateur de Beatrice di Tenda – une autre histoire de conflits [lire notre critique du DVD] – dépeint une relation d’amour contrarié entre Elvira et Arturo, à Plymouth, dans la période qui suit la décapitation de Charles I.

Conçue à l’origine pour le Welsh National Opera en mars 1982 (en coproduction avec De Nederlandse Opera), la mise en scène d’Andrei Serban est reprise au Gran Teatre del Liceu de Barcelone, à l’occasion du bicentenaire de la naissance de Bellini, en 2001. Elle repose sur les décors de Michael Yeargan qui s’épurent au fil des actes. Efficace, le tout premier permet d’installer un climat d’oppression, opposant la panique civile à la rigueur militaire, dans un fort composé de différents niveaux de jeu qui évitent la sensation d’entassement bien souvent engendrée par le grand opéra historique. Le drame nous tient alors en haleine, avant de laisser le champ libre aux platitudes et autres ressorts usés de ce répertoire. Côté musique également, en charge de diriger l’orchestre et le chœur maison, Friedrich Haider fait ce qu’il peut, tantôt alerte et fluide, tantôt poussif et laborieux, en fonction des aléas de la partition.

Pour évoquer une distribution vocale convaincante, commençons par Carlos Álvarez. Ce baryton vif, nuancé et touchant incarne l’amoureux déçu (Sir Riccardo Forth) soutenu par Sir Benno Robertson, lequel a les traits de Vicenç Esteve Madrid, vaillant autant que brillant. Konstantin Gorny (Gualtiero Walton, père d’Elvira) possède un timbre riche tandis que Simón Orfila (Giorgio Walton, l’oncle) s’avère une basse claire et ferme, qui gagne en souplesse et onctuosité. José Bros (Lord Arturo Talbot) livre dans un premier temps un chant nasal aux aigus parfois tendus, mais qui s’arrondit rapidement, permettant des moments plein de tendresse comme le Son già lontani du dernier acte. Si l’émission évidente d’Edita Gruberova (Elvira Walton) est à saluer, déplorons cependant quelques accrocs ici ou là, en plus d’un jeu embarrassé. Enfin, Raquel Pierotti s’avère une Enrichetta di Francia expressive.

LB