Chroniques

par samuel moreau

Wolfgang Amadeus Mozart
Don Giovanni | Don Juan

1 DVD Deutsche Grammophon (2005)
00440 073 4010
Enregistré en octobre 2000, au Metropolitan Opera House

Joué au Théâtre Nostitz de Prague (aujourd'hui Théâtre Tyl) après sa création à Vienne, Les Noces de Figaro eut un tel succès qu'il fut à l'origine d'une commande auprès de son créateur. Après Tirso de Molina en Espagne, Molière en France, Shadwell en Angleterre ou Goldoni en Italie, Don Giovanni, abuseur, libertin et blasphémateur, allait connaître une nouvelle naissance, sous la plume de Mozart et de son librettiste Lorenzo da Ponte. Sous-titré ou le débauché puni, ce dramma giocoso en deux actes et dix tableaux, serait créé avec plusieurs jours de retard sur la programmation, le 29 octobre 1787.

Enregistré en octobre 2000, ce Don Giovanni ouvrait, pour la première fois de son histoire, la saison du Metropolitan Opera House. La mise en scène réalisée par Stephen Lawless reprend en fait celle de Franco Zeffirelli, datant de 1990, avec quelques aménagements – la conception de nouveaux costumes et éclairages, notamment. La production de Zeffirelli est d'une théâtralité assumée, avec des ciels peints magnifiques, devant lesquels se découpent colonnes et grilles démesurées. Tout cela serait rigide et engoncé, sans une direction d'acteur pleine de fantaisie.

Des problèmes de santé l'ayant contraint à y renoncer en 1994, c'est donc six ans plus tard que Bryn Terfel offrira au public new-yorkais un Don Giovanni mémorable, un an après la prise de rôle à Paris. D'une sensualité animale qu'accentue sa puissante stature, le baryton possède un timbre corsé, cuivré qui ravit. Si certains airs nous le montre débridé, à la limite de l'aboiement (Fin ch'han dal vino, à l'Acte I), la suavité d'autres, comme la sérénade de l'Acte II, vient confirmer l'étendue de son talent. Ferruccio Furlanetto, avec un timbre charnel, ne déçoit pas en Leporello complice et victime de son maître. D'autres couples, malheureusement, ne seront pas aussi équilibrés.

Paul Groves (Don Ottavio) – en particulier – possède une voix nette, claire sans être éthérée, dont on goûtera la souplesse dans Dalla sua pace, ou encore Il moi tesoro intanto ; mais face à ce personnage qui a du caractère, Renée Fleming (Donna Anna) peine à exprimer quoi que ce soit. Froide, conventionnelle, elle minaude et ne suit pas toujours la mesure. Même inexpressivité pour la Zerlina de Hei-Kyung Hong, au chant creux et plat. John Relyea, en revanche, est un Masetto attachant, avec beaucoup de corps, et un legato superbe. Enfin, Solveig Kringelborn (Donna Elvira) qui inquiétait au départ par une instabilité et un registre haut métallique, gagne en expressivité, notamment par ses même aigus posés dolcissimo.

À la tête du Metropolitan Opera Orchestra, James Levine convainc, même si sa direction très propre manque d'élégance, si ses accentuations sont lourdes plutôt que vives. C'est avec beaucoup de tenue qu'il accompagne les chanteurs – aux ensembles soignés – et c'est sans doute là le principal.

SM