Chroniques

par stéphanie cariou

Wolfgang Amadeus Mozart
Così fan tutte | L'école des amants

2 DVD Opus Arte (2007)
OA 0960 D
la belle et classique production de Glyndebourne

Così fan tutte est l'un des opéras les plus gâtés par le DVD. C'est ici la belle et classique production de Glyndebourne que propose Opus Arte. Cet ouvrage est considéré comme l'un des plus énigmatiques de l'auteur. Il s'agit d'une comédie douce-amère où le chagrin d'amour pointe sous le rire. Mozart et Da Ponte ont voulu montrer comment les apparences ne correspondaient pas nécessairement à la réalité. Le compositeur connaissait Naples (et l'on peut entendre le clapotis des vagues dans sa musique), alors que son librettiste n'y avait jamais été. Et l'on peut sentir le soleil et la mer, sans la voir, dans cette production où un fond de ciel bleu illumine toute la scène, les éclairages imitant la lumière solaire. Ce bleu ciel devient bleu nuit au dernier acte, lors du mariage. Ici, l'histoire se déroule sur la terrasse d'une luxueuse villa, à la fois sobre et stylée, dans les tons jaunes et beiges doux. L'on y trouve quelques meubles, et aussi des chaises longues, des fleurs et des orangers. L'intérieur se délimite par de grands volets tirés par les acteurs lorsque l'action se passe dans la villa. Le mariage est célébré sous une grande tente de toile rouge et or, à la lumière de lampions et d'un magnifique lustre de cristal. Tout cela forme de magnifiques images, d'autant plus que le spectacle est très bien filmé.

L'équipe accomplit un remarquable travail de diction, et les voix se marient très bien dans les ensembles, notamment celles, fraîches, des jeunes gens. Le metteur en scène Nicholas Hytner a misé sur le naturel des chanteurs tout en soignant la direction d'acteurs. Les protagonistes semblent s'amuser beaucoup, et l'on entend rire dans la salle. D'ailleurs, ils le disent eux-mêmes dans les entretiens, parlant de leur travail et de leurs impressions.

Les deux sœurs sont juvéniles, gracieuses et ressemblent parfois à des personnages de dessins animés, tant leurs mimiques sont drôles et leur regards expressifs. Miah Persson, Fiordiligi blonde, vêtue d'une belle robe bleue, n'est peut-être pas la chanteuse à laquelle on pense pour le rôle. En effet, le soprano suédois a chanté Sophie du Chevalier à la Rose et Almirena de Rinaldo, de sorte qu'on l'imagine plutôt en Suzanne ou Pamina. Elle s'en tire cependant sans trop de difficultés, son timbre rond et lisse surmontant la tessiture pourtant redoutable. Ses aigus ne sont pas forcés et font d'ailleurs penser à ceux d'un soprano lyrique, et le peu de corps de ses graves n'est pas gênant. Elle dessine un personnage sensible, qui essaie de lutter au mieux pour sauver son amour. Anke Vondung, brune vêtue de rouge, accentue le côté plus taquin et volage de Dorabella qu'elle chante d'un mezzo sombre et agile. Ainhoa Garmendia, jeune chanteuse espagnole à la voix piquante et fruitée, est une Despina piquante. Elle montre, par des regards et des grimaces sarcastiques, que ce sont les difficultés de sa condition sociale qui lui donnent l'envie de se venger. Elle a autant de classe que ses maîtresses, mais moins de fragilité.

En ce qui concerne les amoureux, le Finlandais Topi Lehtipuu, Ferrando blond au physique sympathique, a la voix idéale pour chanter Mozart. Son ténor est clair et souple, parfois à peine légèrement instable. Plus mûr, Luca Pisaroni présente un brun Gugliemo à la voix de baryton chaude et fournie. Nicolas Rivenq n'est pas caricatural en Don Alfonso. Il chante le rôle avec aisance, sa voix étant encore ample, bien qu'un peu sèche, ce qui convient au caractère de cet individu (c'est un homme qui a été séduisant, devenu amer sans l'être trop).

Iván Fischer dirige l'Orchestra of the Age of Enlightenment (jouant sur instruments anciens). Ne se contentant pas d'accompagner, il soutient la narration, jouant avec les couleurs chatoyantes de l'instrument. Le Chœur de Glyndenbourne s'avère bien chantant. Cette production ravira les amateurs de beaux spectacles, même ceux qui aiment la modernité, à l'exception de ceux qui la désirent exclusivement radicale.

SC