Chroniques

par pierre-jean tribot

Wolfgang Amadeus Mozart
La clemenza di Tito | La clémence de Titus

1 coffret 2 SACD Harmonia Mundi (2006)
801923.24
Wolfgang Amadeus Mozart | La clemenza di Tito

Le concert qui précédait cet enregistrement de La Clemenza di Tito sous la baguette de René Jacobs nous avait laissé sceptique [lire notre chronique du 15 novembre 2005]. On espérait légitiment que le disque pourrait nous réconcilier avec la vision du chef gantois. Malheureusement, ses tics de direction paraissent encore plus énervants au disque ! Il ne s'agit en aucun cas d'une vision d'ensemble mais d'une succession d'épisodes sans lien entre eux. Dès l'ouverture on a compris que l'interprétation va évoluer au gré des ruptures et accélérations imposées par le musicien belge. Toute la musique paraît sans vie et sans âme, impression renforcée par des récitatifs enchaînés avec une repoussante sécheresse. Le Freiburger Barockorchester semble plus concerné que lors du concert bruxellois, mais à cause de la direction musicale, on reste loin des enregistrements de Kertész, Muti, Harnoncourt, Gardiner, Keilberth, sans oublier les performances exotiques mais convaincantes de Cambreling à Paris et de Harnoncourt à Salzbourg, ce dernier osant les plus extraordinaires lenteurs et les plus infinies nuances.

La distribution est intéressante mais l'exercice du disque la fait apparaître peu homogène, et on est ici aussi très loin des grands titulaires actuels de ces rôles : Kassarova, Graham, Schade, Pregardien…. Tito intéressant en concert, Mark Padmore agace au fil des auditions. Certes la maîtrise vocale et la musicalité sont parfaites, mais ce chanteur est sous dimensionné pour ce personnage qu'il tire vers l'évangéliste des passions de Bach. Engagé lors de la représentation bruxelloise, il semble ici favoriser la musique au détriment de l'expression. Bernarda Fink est un Sesto présentable à défaut d'avoir le timbre de feu d'une Kassarova. On sent la chanteuse assez peu à son aise avec ce rôle dont elle maîtrise mal les graves. Merveille de cet enregistrement, Alexandrina Pendatchanska ne fait qu'une bouchée du rôle de Vitellia. Aidée par un timbre cuivré et chatoyant, la soprano bulgare livre une prestation musicale et dramatique d'exception. Le reste de la distribution : Marie-Claude Chappuis (Annio), Sunhae Im (Servilia), Sergio Foresti (Publio) est musicalement hors de tout soupçon, mais ces chanteurs pâtissent d'un chef avare d'investissement théâtral. Peu employé dans cette œuvre, le RIAS Kammerchor fait encore une fois preuve de sa très haute tenue.

En conclusion, cet esthétique coffret servi par une belle prise de son peinera à s'imposer dans un contexte discographique, certes assez restreint, mais superlatif en terme de qualité. Après des enregistrements très réussis de Così fan tutte et des Nozze di Figaro, on espère retrouver René Jacobs en meilleure forme pour le Don Giovanni annoncé chez ce même éditeur.

PJT