Chroniques

par marc develey

Wolfgang Amadeus Mozart
Concerti pour piano K.459 n°19 – K.491 n°24

1 CD Claves (2007)
50-2617
Wolfgang Amadeus Mozart | Concerti pour piano n°19 – n°24

C'est en 1957 et 1956, respectivement, qu'ont été enregistrés en public les deux concerti pour piano de Wolfgang Amadeus Mozart que nous livre Claves. L'Orchestre de chambre de Lausanne, sous la direction deVictor Desarzens, y accompagnait Clara Haskil dans un répertoire dont elle était familière et dont elle laissa de nombreux enregistrements. Cela dit, nous nous rangeons ici bien volontiers à l'avis de la notice introductive de Jérôme Spycket : cette édition n'est en aucun cas de trop ! Grande serait la tentation de la recommander inconditionnellement, n'étaient les qualités d'une direction d'orchestre souvent pâteuse et manquant assurément de légèreté, et d'une formation dont la justesse n'est pas au rendez-vous – cordes du n°19, vents du n°24 (à rire ou à pleurer). Le jeu solaire de Clara Haskil, pourtant, balaie ce que les premières mesures instrumentales pourraient lever de réticence à poursuivre l'écoute. Qu'on en juge.

Allegro du Concerto en fa majeur K.459 n°19 : attaques lourées et systématiquement sur-accentuées à l'orchestre ; peut-être une recherche de précision, notamment dans les piqués, qui se perd dans un legato vaguement poisseux. Le piano entre, installé déjà dans un son ample et sensuel. Tout ce que l'orchestre peut avoir de préciosité est peu à peu gommé par un jeu d'une très grande délicatesse. La présence de la soliste, extraordinaire de simplicité et de fermeté, sait, au demeurant, trouver un très émouvant accord avec les instrumentistes. Au retour du thème, la générosité du phrasé sert la partition dans une belle sérénité et une couleur pleine de tendresse. La coda, liquide et traversée de miniatures perlées, est suivie d'une conclusion plus lourde à l'orchestre.

L'Allegretto est pour le piano l'occasion d'offrir un fredonnement serein, dans la tendresse et la lumière d'un jeu d'une incroyable justesse de ton. L'équilibre des graves et de la respiration contribuent à celui de la phrase. Parfois, un infime rubato suscite une émotion subtile. À l'entrée rieuse du piano solo dans l'Allegro assai, l'orchestre, ici plus à l'aise, réplique par un fugato non sans allant, précis, sans traîner ni trop s'appesantir. Au piano, main gauche légère et main droite allègre servent une articulation pétillante. Savamment accentué, d'une grâce incroyable (aucun dandysme n'affecte, entre autres, les portés), le jeu se fait joyeux, espiègle parfois. La coda explose de générosité, plein d'une radieuse légèreté. Mousse, bulles, écume, embruns : un grand piano.

Quant au Concerto en ut mineur K.491 n°24, le piano s'y montre plus inspiré encore, jusque parfois dans son dépouillement. Aucune lourdeur n'entame la simplicité de la phrase, tout habitée d'une grande quiétude dans l'Allegro maestoso notamment. La présence de la soliste est plus impérieuse encore, mais sans s'imposer jamais ni à l'orchestre, ni à l'auditeur. Quelques imprécisions ici et là, un troisième mouvement moins magique, peut-être grevé d'un peu de fatigue, ne nuisent pas à la qualité pianistique de l'ensemble. De l'orchestre, il n'est rien à ajouter qui n'ait déjà été dit.

Un disque étonnant, donc, que nous ne pouvons apprécier que de façon contrastée, et que l'on se procurera essentiellement pour la qualité, à notre sens remarquable, du piano de Clara Haskil.

MD