Chroniques

par laurent bergnach

Armide
tragédie lyrique de Jean-Baptiste Lully

Théâtre de Gennevilliers
- 18 septembre 2010
Armide de Lully au Théâtre de Gennevilliers
© amitava sarkar

Ultime tragédie lyrique de Lully, Armide est créé à Paris le 15 février 1686, dans les murs de l’Académie royale de Musique. Après s’être inspiré de la Mythologie antique – Alceste (1674), Atys (1676), puis Phaëton (1683) –, le fidèle Quinault trouve matière à concevoir un livret dans le Moyen Age de fantaisie des romans du Tasse – nouvelle occasion de vanter les vertus de la chevalerie, dans le récent sillage d’Amadis (1684) [lire notre chronique du 24 janvier 2010] et de Roland (1685) [lire notre chronique du 2 janvier 2004]. Après que la Sagesse et la Gloire aient échangé de nobles propos, en guise de Prologue aux cinq actes à venir, on retrouve sur scène les personnages de la Gerusalemme liberata : la princesse magicienne Armide, le jeune soldat Renaud et tous les protagonistes de cette rencontre haineuse autant que sensuelle entre Croisés et Musulmans.

L’ouvrage est trop rare pour laisser passer cette production montée à Houston en mai 2009, dans une version (ultra) contemporaine signée Pascal Rambert. « Mon obsession, c’est de faire disparaître le point de passage entre le réel et la scène (…), de présenter au public des formes qu’il ne désire pas », explique le metteur en scène qui souhaite échapper au décorum. Hélas ! Fuyez l’académisme, il revient en trimballant tous les poncifs de la modernité théâtrale (jeans et tee-shirt pour le chœur, torche électrique et lit d’hôpital pour les autres). Tout est propre, lisse, sans une once de fantaisie ou d’humour. Seuls nous auront convaincus ces inserts visuels évoquant l’intimité souillée – photos du héros prisonnier en rappelant d’autres venues d’Irak, caméra suivant Armide dans les coulisses jusqu’à sa loge.

Dans le rôle-titre, le mezzo Isabelle Cals offre une voix chaude et puissante, mais parfois étriquée, voire instable. Décevant lui aussi, le ténor Zachary Wilder incarne un Renaud peu charismatique, lointain dans les piannissimi. Sarah Mesko (Sagesse/Sidonie) et Lauren Snouffer (Gloire/Phénice) forment un duo équilibré, mêlant couleur corsée de l’une et rondeur caressante de l’autre. Sumner Thompson (Hidraot) est un baryton musclé, au besoin nasillard pour incarner La Haine. Issues de l’ensemble vocal Lumen de Lumine, les basses Laurent Bourdeaux (Ubalde vaillant) et Laurent Herbaut (Aronte impacté) ont particulièrement séduits, en particulier par une diction perfectible chez tant d’autres - à ce propos, on plaint les anglo-saxons venus nombreux à cette représentation sans surtitrage.

Si le chœur doit son unité au travail de Didier Louis, c’est le gambiste canadien Antoine Plante qu’il faut saluer à la tête du Mercury Baroque, l’orchestre qu’il a créé voilà dix ans. Face à la vingtaine d’instrumentistes qui comblent la mince fosse aménagée en bord de plateau, le chef se montre attentif aux chanteurs, mis en valeur par un relief discret. L’ouvrage – dont est amputé le quatrième acte, selon l’usage – se déroule dans un dénuement sonore délicat répondant à la blancheur des planches, du fond de scène et des néons les surplombant.

LB