Chroniques

par bertrand bolognesi

esprit Second Empire : Berlioz et Brahms
Marc-André Hamelin, Michael Schønwandt

Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon
Opéra national de Montpellier / Corum
- 30 septembre 2016
Marc-André Hamelin joue le Concerto Op.15 n°1 du jeune Brahms
© sim canetty-clarke

La nouvelle saison de l’Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon se poursuit avec ce programme Second Empire dirigé par Michael Schønwandt, son chef titulaire. Deux œuvres le jalonnent, promenant l’auditoire dans le XIXe siècle, de part et d’autre du Rhin. Pour commencer, la Symphonie fantastique Op.14 de Berlioz qu’Habeneck créait à Paris en 1830. La comédienne britannique Harriet Smithson inspira le compositeur qui l’avait admirée trois ans plus tôt dans le rôle d’Ophélie – décidément, Hamlet fait notre constellation [lire notre chronique de la veille].

Installés dans la grande salle dont l’entrée arbore un impressionnant portrait d’Hector Berlioz par Robert Combas, nous entendons les fragmentations énigmatiques de Rêveries–Passions soigneusement servies par les vents de la phalange languedocienne. La minutie de chaque pas dessine un paysage précis devant lequel la baguette danoise refuse de se trop arrêter. De fait, Un bal n’est pas plus contemplatif, virevoltant d’une élégance alerte. On remarque au passage les progrès faits par les cordes depuis la dernière fois qu’on les entendit. Sans traîner, la Scène aux champs avance dans une lueur à peine plus méditative bientôt gagnée par l’inquiétude. La régularité implacable de la Marche au supplice fleure l’angoisse, sous le nerf vif de Schønwandt qui n’hésite pas à souligner la crudité des roulements de timbales. Tout juste regrette-t-on quelques approximations des cuivres. Enfin, la terreur est complète avec un Songe d'une nuit du sabbat échevelé dans ses visions érotisées. Dans l’ensemble, cette lecture leste distribue joyeusement sa grande frousse.

Après l’entracte nous attend une page bien connue du répertoire, le Concerto en ré mineur pour piano Op.15 n°1 que le jeune Johannes Brahms imagina d’abord comme une symphonie, sous l’impulsion de Schumann qu’il venait de rencontrer. Le maître disparut peu après dans sa folie, puis plus irrémédiablement loin encore : c’est en 1858, après ces désastres, que pour la première fois fut joué le concerto, d’abord sous les doigts de Brahms lui-même, avant que l’interprétât Clara, la veuve à laquelle il voua une amitié indéfectible [lire notre critique de l’ouvrage Huit enfants de Schumann].

Les qualités constatées dans l’orchestre sont contrariées dès le Maestoso. Le peu de soyeux des cordes vient contredire le propos précédent. À l’inverse, on goûte la prestation des bois, irréprochables, et surtout la proposition flamboyante de Marc-André Hamelin au piano [photo]. Son engagement expressive dans le Poco piu moderato du premier mouvement vient incendier l’écoute à laquelle il n’accorde aucun répit. Schønwandt engage ensuite l’Adagio qu’il préserve d’un rubato trop appuyé, tout en profitant en gourmand des inserts de bois. Dès son entrée, le piano en radicalise le recueillement, soliste et chef plaçant leur version aux confins du silence. Loin de s’en tenir là, le second motif prend des airs de ruine à la mélancolie presque violente, magnifiés par la palette dynamique inépuisable d’Hamelin. L’épisode suspend le temps. Avec bonheur, ils emporteront l’excessif Rondo jusqu’à la jubilation la plus déraisonnable. Voilà un automne qui commence plutôt bien !

BB