Chroniques

par laurent bergnach

Lubie
spectacle de la compagnie Les Rémouleurs

Auditorium d'Orsay, Paris
- 20 septembre 2007
Lubie, spectacle de la compagnie Les Rémouleurs
© dr

Depuis le 19 juin dernier, et jusqu'au 30 septembre, le Musée d'Orsay propose un accrochage de photographies intitulé La Main, consacré à cette partie du corps que les pionniers Disdéri, Vacquerie et Nadar immortalisèrent sagement posée sur les genoux ou sur un livre, soutenant le front ou le menton… En lien avec cette exposition, l'Auditorium organise deux semaines de manifestations (cinéma, concerts, conférences, etc.) sur le même thème. La compagnie Les Rémouleurs est invitée ce soir, avec son spectacle Lubie, mis en scène par Bénédicte Ober et créé en février 2004. Depuis bientôt vingt-cinq ans, à la recherche de nouvelles formes scéniques, Anne Bitan – comédienne et manipulatrice d'objets – et Olivier Vallet – invention lumineuse – explorent les possibilités du théâtre musical, de rue ou de marionnettes, s'adressant tour à tour au public des bibliothèques, des bars, des fermes ou des églises.

Pour beaucoup d'enfants, l'heure de la sieste est un frein à leur appétit de découvrir le monde. À sa façon, Anne Bitan trompait l'ennui : « je jouais avec mes doigts, tout près de mes yeux, des petites scènes épiques dont j'ai gardé un grand souvenir… ». Aujourd'hui, le jeu se partage et se perfectionne : grâce à un épiscope permettant la projection d'objets en volume, assise dos à la salle, la marionnettiste renvoie des images sur un écran carré, pour de minuscules chansons de gestes où les mains palpitent, agrippent, caressent ou papillonnent. Un tube de rouge à lèvres trace des lettres sur un miroir ; en un seul ruban, l'écorce est retirée d'une orange qui se transforme en fleur éclose ; des gants ajourés dansent une rencontre érotique ; une boule de pâte à modeler donne naissance à un visage éphémère, puis à un personnage entier qui ressemble à un bébé. Bien d'autres choses encore…

Tantôt flous ou nettes, tantôt lentes ou rapides, ces images poétiques ont besoin de musique autant que de lumière. Les violonistes Frédéric Aurier – fondateur du Quatuor Satie – et Julian Boutin n'apparaissent d'abord qu'en ombres chinoises avant de prendre place à côté de l'écran, puis d'intervenir épisodiquement. Parfois dans le noir, ils délivrent avec nuance la musique sensuelle que Béla Bartók et Luciano Berio ont écrite pour ce duo d'instruments, sous forme de cycle de pièces courtes. Dommage qu'en bonne compagnie, une heure passe toujours trop vite.

LB