Chroniques

par gérard corneloup

Otello | Othello
opéra de Gioacchino Rossini

Opéra de Lausanne (saison hors les murs) / Salle Métropole
- 28 février 2010
Otello de Rossini à Lausanne, mis en scène par Gian Carlo del Monaco
© marc vanappelghem

On connaît bien l'Otello de Giuseppe Verdi, souvent repris sur les grandes scènes lyriques internationales. On ne peut pas en dire autant de l'Otello que le jeune Gioacchino Rossini écrivit pour le Teatro del Fondo de Naples, le premier ayant complètement phagocyté son prédécesseur. Si l'on ne peut pas vraiment certifier que l'arbre cache la forêt, la salutaire reprise de l'ouvrage rossinien par la scène suisse montre son intérêt historique comme son intérêt musical et vocal. Sans doute desservi par un livret « bricolé » à partir de l'immense chef d'œuvre de Shakespeare par un amateur italien de noble extraction mais de médiocre plume, l'opéra se situe à la charnière entre l'opera seria napolitain de l'époque et le drame lyrique qui va suivre, multipliant les ensembles concertants et osant une fin tragique bien loin de tout prudent deus ex machina – cette fin heureuse à laquelle le maestro sacrifiait encore dans son Elisabetta regina d'Inghilterra, quelques mois auparavant. Et puis, plusieurs airs des trois ténors singulièrement requis – pas moins de six, en comptant les rôles secondaires – et, surtout, les parties vocales dévolues à Desdemona, véritable pilier de l'œuvre, loin devant son Otello d'époux secret, sont de petites merveilles.

On l'aura aisément compris : un tel ouvrage exige une solide équipe de chanteurs rompus à ce répertoire, des chœurs haut de gamme et un chef maitrisant le tout avec brio. C'était le cas à Lausanne autour de l'éblouissante et de l'émouvante Olga Peretyatko – aigus cristallins, timbre d'une douceur infinie, présence scénique de chaque instant ; tout y était –, des ténors John Osborn (Otello), Maxime Mironov (Rodrigo) et Shi Yijie (Iago), parfaitement distribués dans des vocalités très différentes et fort adaptées, mais aussi du baryton Giovanni Furlanetto, d'une belle autorité vocale dans le personnage d'Elmiro, le père bafoué, et de la mezzo Isabelle Henriquez (Emilia). Sébastien Eysette (Lucio) et Rémy Corazza (le Doge) complétaient la distribution au même haut niveau, alors que le chef Corrado Rovaris, comme un poisson dans l'eau dans ce répertoire, fusionnait scène et fosse en un amalgame précieux apportant à l'auditeur le plaisir total.

Également spectateur, ce dernier eut nettement moins l'occasion de se réjouir face à la mise en scène – ou plutôt à l'absence de mise en scène – enfantée par le vétéran Gian Carlo del Monaco. Ce dernier avait eut une idée : un grand mur, signé Carlo Centolavigna, occuperait la scène avec une brochette de portes identiques d'où surgiront toute une série d’Iago écoutant, lorgnant, notant. Pendant l'ouverture, l'idée a pu séduir. Après trois heures d'entrées et sorties, elle avait depuis longtemps lassé la patience, le tout n'étant, de surcroît, vraiment pas mis en valeur par les éclairages de Wolfgang von Zoubek et par les costumes criards ou tristounets, tout droit sortis d'un film de pirates, américain, de série B… et des années 1950. Pauvre choristes !

GC