Chroniques

par bertrand bolognesi

Rienzi, der letzte der Tribunen | Rienzi, le dernier des tribuns
opéra de Richard Wagner

Opernhaus, Leipzig
- 25 mai 2013
Rienzi, opéra de jeunesse de Wagner, repris à Leipzig pour le bicentenaire 20133
© andreas birkigt

Au jeu des mises en abîme, tout le monde ne s’exerce pas avec la même facilité. S’il convenait hier soir de saluer les perspectives astucieuses de Renaud Doucet, invitant dans notre quotidien la contemporanéité d’un Wagner de vingt ans et le Moyen-âge où se projetait son inspiration [lire notre chronique de la veille], la découverte du Rienzi de Nicolas Joel – production de 2007 reprise dans le cadre du Wagner Festtage – laisse dubitatif. Un vaste plan de Rome domine le plateau, d’abord en toile « à l’ancienne », puis en guise de sol, selon une métaphore d’envahissement (le tribun révolutionnaire piétine Rome au nom de Rome) assez limitée, comme en témoignent les prothèses dont Andreas Reinhardt (décors et costumes) finit par recourir : les maquettes en bois de plusieurs lieux romains où se scellera l’incendie final, la scène tournant dans le médiocre rougeoiement d’un amas qu’on pourrait croire déposé là par un bambin pyromane, sans plus.

« Je te passe toutes les louanges que j’ai entendues du public pendant les représentations pour dire que lors de la sixième soirée, pendant laquelle je dirigeai moi-même, le public était encore plus enthousiaste que le soir de la création. […] Avant, personne ne s’intéressait à moi, maintenant je ne m’en sors plus […]. En un mot : je suis à la mode », écrivait Wagner lors de la création de son Rienzi à Dresde, à l’automne 1842 (traduction empruntée à Christophe Looten, in Bons baisers de Bayreuth, Fayard, 2013). Avouons-le, l’engouement de la salle n’est guère manifeste, cette fois, à l’issue de quatre heures peu inventives qui convoquent une gestuelle des plus conventionnelles dans un aréopage de gangsters, les familles Orsini et Colonna étant ici des clans mafieux qui s’affrontent pour le pouvoir. Avec la meilleure bonne volonté, ce Rienzi intéresse peu et se laisse mollement regarder.

À l’enchantement de la fosse des Fées succède une cuisante déconfiture, à mettre sur le compte de la fatigue : pour ce festival, les musiciens du Gewandhausorchestrer jouent copieusement, durant concerts et représentations, mais encore leur faut-il répéter les programmes, bien sûr. Ainsi les premier et troisième actes accusent-ils des cuivres approximatifs quand hier tous les pupitres faisaient encore merveille. Fort heureusement, le II bénéficie d’un regain d’assurance, le léger fléchissement du suivant ouvrant sur des IV et V satisfaisants. Il faut dire que la lecture de Matthias Foremny revendique une munificence sans grand discernement qui n’équivaut en fin de compte qu’à souligner la tendance au pompiérisme de cette partition ; dans ces conditions, il s’avère difficile de respirer (sans parler de nuancer…). Il n’empêche, la fosse n’est pas indigente, loin s’en faut, et cette version qui offre des moments de généreuse somptuosité orchestrale obéit plutôt « harmonieusement » au code grandiloquent utilisé par la mise en scène.

Cette soirée de moyen intérêt est « rachetée » par une distribution assez heureuse. On retrouve la saine fermeté et le génie théâtral de Milcho Borovinov (entendu hier) dans un Colonna parfaitement impacté. Le baryton-basse finlandais Tuomas Pursio campe un Orvieto solide qui fait impression. De même la basse Thomas Oertel-Gormanns donne-t-elle un Cecco del Vecchio fort honorable. En Messager de paix, Jean Broekhuizen livre un chant large et serein qui conquiert d’emblée. L’Adriano de Chariklia Mavropoulou arbore un timbre coloré et une ligne conduite avec grâce. Tout récemment applaudi dans Die Gezeichneten [lire notre chronique du 27 avril 2013], Stefan Vinke mène prudemment et sûrement sa voix dans le rôle-titre qu’il assume avec un grand métier.

BB