Chroniques

par laurent bergnach

Rita o Il marito picchiato | Rita ou Le mari battu
opéra de Gaetano Donizetti

Opéra de Lausanne
- 18 novembre 2005
une louffoquerie signée Donizetti à l'Opéra de Lausanne !
© marc vanappelghem

On imagine sans peine, selon une légende qui circule, Gaetano Donizetti, en proie à un accès de mélancolie, écrire Rita ou Le mari battu durant quelques jours d'inactivité. Cet acte buffa est en effet assez court et assez jubilatoire pour avoir servi de remède à un compositeur souvent moqué pour sa fiévreuse productivité. Ce qui est sûr, c'est que l'œuvre est créée à Paris le 7 mai 1860, douze ans après la disparition de son créateur.

Entre la ville et l'homme le lien n'est pas nouveau : le public français découvrit Anna Bolena en 1831, Donizetti s'installait dans la capitale pour la première fois en 1834 et, en 1840, il terminait La fille du régiment directement sur un texte en langue française. C'est dans les rues de notre capitale qu'il aurait également rencontré le Bruxellois Gaston Vaëz, futur librettiste de Rita. L'ouvrage, terminé en 1841, est refusé par l'Opéra Comique, ne peut se monter à Naples suite au décès d'un impresario. Il sera donc « retrouvé dans un tiroir » par les héritiers du musicien.

Rita est une comédie domestique dont la brièveté ne s'encombre pas de nuances. Une femme malmène son second mari parce qu'elle fut copieusement frottée par le premier – « Tu pourras battre ta femme, tu ne dois pas l'assommer » conseille d'ailleurs celui-ci, à plusieurs reprises. Gasparo, qu'on croyait disparu dans un naufrage, réapparaît dans « l'auberge coquette » de Rita. Mais hors de question de se remettre en ménage avec cette ancienne épouse qu'on lui avait dit morte, que veut lui rendre Peppe n'en pouvant plus… puisqu'il veut se remarier au Groenland !

Avec cette production du Teatro Real Madrid emportée dans ses valises, Éric Vigié signe une mise en scène dynamique qui respecte l'esprit de la farce avec une infinité de petits gags sachant se renouveler : passage de mouette, jeu de fléchette, voiture pétaradante, foulard démesuré, etc. On regrettera cependant l'utilisation abusive de l'enfant (Tristan Moreau, précis et sobre) et de son garde du corps qui finissent par encombrer les planches, d'autant que l'ours du mime Walter Daniel San Joaquin fait double usage et leur vole aisément la vedette. Le public « ferré » après une demi-heure, peut-être aurait-il mieux valu faire confiance à des moments plus dépouillés, comme cette scène d'imploration du duo O chère âme, chère femme !

L'EnVol – nous l’évoquions à l'occasion de Rigoletto [lire notre chronique du 30 septembre 2005] – est l’Ensemble vocal de l'Opéra de Lausanne qui aide de jeunes chanteurs à aborder leurs premiers rôles. Tout récemment, un récital leur permit de se présenter au public. Ce soir, trois d'entre eux participent à cette première représentation en Suisse de la version française de l'ouvrage. Dans son bar de Riviera années cinquante, Sophie Graf est une Rita émancipée qui dérange d'abord par trop d'élégance, trop peu de latinité pour une telle commedia. Et puis, on se rappelle que les grandes actrices italiennes d'après-guerre savaient être populaires avec de la classe... Le jeu du soprano demande encore du rodage, le timbre semble parfois métallique, mais la voix est puissante et les aigus éclatants. Originaire de Navarre, José Luis Solá n'a aucun mal à se glisser dans la peau de Peppe, aubergiste freluquet à l'accent prononcé. La voix du ténor est chaude et claire. Enfin, Vincent Deliau incarne un Gasparo réjouissant qui associe une grande aisance de comédien à un chant nuancé et sonore. C'est avec beaucoup de légèreté que Nicolas Chalvin, à la tête de l'Orchestre de Chambre de Lausanne, les soutient dans cette aventure.

LB