Chroniques

par bertrand bolognesi

Roger Muraro et Bertrand Chamayou
Olivier Messiaen et Wolfgang Amadeus Mozart

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 12 octobre 2014
Roger Muraro et Bertrand Chamayou jouent Messiaen au Théâtre des Champs-Élysées
© édouard brane

Pour ouvrir la quarantième saison de ses Concerts du dimanche matin, Jeanine Roze invite un duo inédit, constitué par les pianistes Roger Muraro et Bertrand Chamayou. C’est donc deux générations de musiciens français qui se rencontrent à vingt doigts, côte à côte et à quatre mains pour commencer, à deux claviers et face à face, enfin. Encore sont-ce deux compositeurs de périodes éloignées qu’ils mettent à l’honneur, s’agissant d’Olivier Messiaen et de Mozart dont le Dauphinois admirait tant l’œuvre.

Andante et variations en sol majeur K.501, pour commencer. Le cadet tient la partie aiguë. On goûte une lecture toujours fort équilibrée, à l’articulation délicate. Au fil des variations se révèle une fluidité confondante, dans une sonorité à la fois altière et tendre. Ainsi après la modulation mineure, onctueuse à souhait, les interprètes favorisent-ils une couleur sinon guerrière du moins épique – c’est que Beethoven n’est plus loin, déjà… Franche et simple, la conclusion s’effectue sans manières.

Grand bond dans le temps, donc, puisque nous volons de 1786 à 1943. L’extrême mystère des cloches suaves, lointaines (souvenir de cloches, peut-être), absorbe l’écoute dans les Visions de l’Amen de Messiaen. Les accords en choral du piano de Roger Muraro gagnent peu à peu une ampleur formidable, sur l’ostinato carillonnant de son complice : Amen de la Création bénéficie d’une dynamique remarquablement construite et d’un souffle médusant. Le modèle se confirme avec la superposition de motifs répétés, éventuellement dérivés, à des chants d’accords : c’est le rhapsode fougueux de l’Amen des Étoiles auquel succède le saisissant hiératisme de l’Agonie de Jésus. La lumière s’adoucit, consolatrice, dans une sonorité confiante, une subtilité de nuance toute personnelle.

Au fil des sept mouvements de cette intense méditation, on rencontrera tour à tour un éclat généreusement chantant, l’aura ravélienne d’un motif brillant, mais encore l’impalpable du rêve d’un choral souverain ou une pluie bondissante, lisztienne. Les Anges lorgnent encore vers Debussy, tout en confirmant l’omniprésence campanaire. Après l’impossible tourniquet de l’Amen du Jugement, toujours en vrille, forcément, la Consommation intègre Bali à sa mélodie religieuse, au fil de riches contrastes et de probantes explorations rythmiques dont Roger Muraro et Bertrand Chamayou se jouent avec enthousiasme. L’explosion finale emporte les suffrages !

Voilà une saison qui s’annonce bien. À suivre !

BB