Chroniques

par gérard corneloup

Turandot
opéra de Giacomo Puccini

Chorégies d’Orange / Théâtre antique
- 28 juillet 2012
Turandot, opéra de Giacomo Puccini, aux Chorégies d'Orange 2012
© philippe gromelle

Chaque été, c’est bien connu, certains festivals hexagonaux tirent le mauvais numéro. C'est le plus souvent dû aux conditions atmosphériques, soit mouillées, soit ventées, voire les deux. Cette année, les Chorégies d’Orange et, par delà, les quelques huit milles spectateurs s’étant déplacés et ayant payé leur place souvent fort cher, vont plus loin et franchissent carrément la dead line : sans parler d’une mise en scène passe-partout, d’un jeu d’éclairages sans rime ni raison, de costumes sinistres et des galipettes sonores de figurants rythmant mal à propos certains épisodes de la partition (ouf !), bref les mythiques Chorégies doivent affronter le double problème constitué par le chant hasardeux d’un ténor superstar et la direction frappée d’avitaminose d’un vieux grognard de la baguette.

On en conviendra : cela fait beaucoup pour un ouvrage particulièrement bien conçu et élaboré, une partition superbe et une composante chorale d’importance, tout particulièrement bien défendue par la conséquente masse chorale réunie pour l’occasion sur la scène du théâtre antique. Elle puise ses forces, sa vitalité, sa musicalité dans diverses chorales de la région PACA : ce sont elles les grandes gagnantes d'un spectacle qu’elles sauvent du naufrage !

Passons d’emblée sur la mise en scène d’un autre grognard de la mise en scène orangeoise, Charles Roubaud, qui a du moins l’art de faire fort bien évoluer choristes et figurants sur l’immense plateau. Passons sur des effets vidéo qui jouent à l’horloge parlante, passons sur les costumes en deuil de Katia Duflot (une autre habituée…) pour en venir à la composante purement musicale.

On a connu (il y a des lustres, voire des décennies) Michel Plasson comme un excellent chef, surtout expert en musique française. Sa fougue défendait avec maestria et le même bonheur Berlioz et Bizet, Chausson et Ravel. Mais comme cela semble loin. Aujourd’hui, le trait s’est durci, épaissi. Alangui aussi. La fluidité tour à tour subtile et mutine de l’opéra italien, encore présente dans cet ouvrage de la fin d’une époque qu’est Turandot, est complètement écrasée sous la lourdeur de tempi de plomb, mettant plus d’une fois en danger les chanteurs, en particulier dans les ensembles concertants, tel le fameux trio des courtisans. Quand à l’Orchestre Philharmonique de Radio France, pas vraiment au mieux de sa forme et pas vraiment pris en main, il couvre volontiers les voix.

Terriblement délicat à interpréter, le rôle-titre est confié au soprano américain Lise Lindstrom, longue silhouette de veuve triste, toute de noir vêtue. Dire qu’elle maîtrise la langue de Carlo Gozzi à la perfection serait sans doute excessif. Dire que son chant, fort bien mené, rayonne magnifiquement, le serait tout autant… Du moins n’est-il pas handicapé par un vibrato engorgé, comme celui de Maria Luigia Borsi dans le personnage de Liu.

Reste enfin – il fallait finir pas là – le problème une nouvelle fois posé par le ténor vedette, toujours aussi applaudi, quasiment avant même d’avoir lancé une note, par ses escadrons d’admiratrices, même s’il aborde parfois des rôles totalement étrangers à sa ligne vocale et à sa puissance. À Orange, dès sa première intervention vocale, crinière au vent, une évidence s’impose : Alagna (Roberto pour les admiratrices) à des problèmes de mise en voix, puis de suivi du chant. Son rayonnement habituel est quasiment mis en sourdine. Son aigu se fissure dans une note tenue qui ne l’est pas vraiment.

Du coup, on parle de mauvaise condition physique. On évoque la présence d’un ténor de sauvetage dans les coulisses. L’intervention du directeur des Chorégies, Raymond Duffaut, pour annoncer (mais curieusement après l’entracte seulement) que le grand artiste est souffrant, n’étonne pas vraiment. Le seul problème est alors de décrypter le terme évoqué de « mycose laryngée ». Le mieux est encore que chacun demande à son médecin traitant…

GC