Chroniques

par vincent guillemin

Anton Bruckner
Symphonie en ut mineur n°2

1 SACD PentaTone Classics (2013)
PTC 5186 448
Marek Janowski joue la Symphonie n°2 (1877) d'Anton Bruckner

Depuis 2007, Marek Janowski poursuit chez PentaTone Classics une intégrale Bruckner avec son Orchestre de la Suisse Romande. Long dans sa gestation, ce projet apporte un regard personnel aux célèbres symphonies du maître de Linz, pour lesquelles on dispose de bien plus de référence à partir de la Quatrième que pour les trois premières.

Présentée dans ce boitier comme la moins jouée du musicien, la Symphonie en ut mineur n°2 – en réalité n°4 si l’on ajoute les deux d’études – apparaît dans une concurrence assez peu nombreuse, dominée par la première version d’Eugen Jochum avec le Sinfonieorchester des Bayerischen Rundfunks (DG), celle moins massive et au Finale ultra dynamique de Günter Wand avec Kölner Rundfunk Sinfonieorchester (Sony-RCA) et le fantastique live viennois de Carlo Maria Giulini (Testament). Fondée comme celle de ce dernier sur la révision de 1877 (l’œuvre est composée une première fois d’octobre 1871 à septembre 1872), la lecture de Marek Janowski ne déroge pas au style développé par le chef au cours des ans. Tout y est clair et démontre un travail inventif dans le façonnage des phrases et des agencements orchestraux.

Le Moderato convainc par une énergie et une légèreté qui ne sont pas sans rappeler la proximité de cet opus avec les symphonies beethoveniennes. L’Andante crée ensuite une atmosphère pastorale qui permet de découvrir nombre de motifs aux cordes, alors qu’on croit souvent y entendre simplement une répétition d’accords identiques dans le but de soutenir la polyphonie. Plus décevant, le Scherzo aux accents très déliés et au tempo relativement lent n’atteint pas le confort nécessaire à retenir l’auditeur. Peut-être le chef compose-t-il avec une formation qui n’est pas d’une sonorité très épaisse et dont les cuivres ne sont pas toujours des plus stables ? Ce contrôle excessif, en tout cas, bloque le mouvement. Restent alors encore une clarté apparente et un soin particulier des bois par lesquels le chef emprunte un chemin personnel sans pourtant chercher à inventer sans fondement ses différences. Malheureusement, le Finale déçoit ; il laisse un goût d’inachèvement si on le compare à la nouveauté captivante du début.

Bien qu’il reste ancré dans un son allemand plutôt que de s’orienter vers une pâte internationalisée à laquelle aurait été enlevée la sève originelle, le style de Janowski déconcertera ceux qui attendent un Bruckner chaud et pesant, plein de pathos ; aux autres, cette parution propose un éclairage novateur. Précisons que la prise de son est excellente, que le support SACD Hybride est lisible sur platine SACD et sur platine CD classique, et que le livret en français de presque dix pages est extrêmement fourni en informations sur l’œuvre et son contexte.

VG