Chroniques

par bertrand bolognesi

Antonio Vivaldi
Atenaide | Atenaïde

1 coffret 3 CD Naïve (2007)
OP 30438
Antonio Vivaldi | Atenaide

Poursuivant l'enregistrement intégral des opéras de Vivaldi, Naïve en livre le neuvième volume avec cette Atenaide créée le 29 décembre 1728 au Teatro di Via della Pergola de Florence, sur un livret de Zeno illustré à Vienne quatorze ans plus tôt par un projet réunissant Gasparini, Fiore et Caldara.

À l'écoute, on est d'emblée charmé par l'excellence de l'interprétation de Federico Maria Sardelli, à la tête des instrumentistes de Modo Antiquo. Une tonicité raisonnable, s'appuyant sur un tissu profondément construit, doté d'une sonorité riche, voire charnelle, par moments, détermine une lecture sensible. Dès la Sinfonia, le mouvement lent se révèle angoissant, parcourant la sinuosité de dangers qui se déploieront ensuite (bien que cette Ouverture vienne d'un autre opéra). Ici, pas d'inutile sur-accentuation dramatique, pas d'excès de contraste dans la dynamique, bref : nul effet de manches. Sardelli souligne discrètement les innovations de l'écriture orchestrale de Vivaldi dont il nous fait goûter jusqu'aux moindres détails, tout en y intégrant le propos théâtral, comme en témoignent l'urgence débridée du début du troisème acte, par exemple, ou l'élégance recueillie de l'accompagnement de l'air In bosco romito.

Dans cette belle clarté, certains choix de distribution ne lassent cependant pas de surprendre. Vivica Genaux donne un Teodosio bizarrement placé, nasalisant à outrance la plupart des récitatifs et d'une couleur générale peu flatteuse. Il faut reconnaître à l'artiste le mérite de conduire ce matériau avec un art vraiment brillant (Voresti, il so nous en convaincra, à l'Acte II) qui sait ménager nuances et demi-teintes (Trovo negli occhi tuoi, Acte I) et se montre volontiers agile (M'accende amor l'ire guerriere in petto, Acte III). Stefano Ferrari campe un Poro qu'un timbre agressif à souhait rend plus que crédible. Si la diction est confortable, le phrasé souple, le grave affiche une couleur ingrate, le plus gênant restant le criant manque de virtuosité que révèle une ornementation mal menée. Si Nathalie Stutzmann offre, à l'inverse, une couleur intéressante à Marziano, le vibrato est aujourd'hui devenu bien trop copieux. Son Di novi allori adorno (Acte I) n'est pas stable du tout et Cor moi che prigion sei (Acte III) parait exsangue, ce qui ternit le personnage. Pour posséder un timbre séduisant et un aigu lumineux, le Leontino de Paul Agnew accuse un grave souvent incertain (sur les phrases descendantes, notamment) et un médium parfois engorgé.

Trois voix retiennent ici toute notre attention. Guillemette Laurens prête un timbre chaleureux, une présence ferme dans les récitatifs, une agilité indéniable et un travail raffiné de la nuance, au service d'une expressivité jamais débraillée, à Pucheria. D'un velours caressant, dans une envoûtante égalité de la voix sur toute la tessiture, d'une rondeur fascinante, Romina Basso compose un Varane attachant dont on admire la formidable colère du récitatif de la dixième scène du premier acte ou l'agilité de Nel profondo cieco mondo (Acte II), air célèbre partagé avec Orlando furioso [lire notre critique du CD]. On notera toutefois un grave parfois trop léger qui ne supporte d'ailleurs pas sa propre variation sur le Da capo de cet exemple. C'est la seule petite ombre à une prestation remarquable qui marque par son hyper précision (Il moi amore diventa furore, Acte II), la fiabilité de son intonation (Parto, che so qual sia, Acte III) et le serein confort du phrasé (Mesto va l'agricoltore, Acte III).

Enfin, le rôle-titre est avantageusement tenu par Sandrine Piau. Le brio évident de della rubella (Acte I), l'indiscutable efficacité de Son colpevole a'tuoi lumi (Acte II), le choix judicieux d'une saine légèreté pour Eccelso trono (Acte II) où surprend la souplesse de l'aigu, l'infime sensibilité de Qual demone, quel furia (Acte III), accompagnato contrasté par une bonne intelligence du rôle et un vrai sens musical, la pertinence d'une riche gamme expressive convoquée sans excès d'effets dans l'émouvant et gracieux In bosco romito (Acte III), mai aussi le da capo virtuose d’Infausta reggia addio (Acte III) signent une incarnation idéale.

BB