Chroniques

par laurent bergnach

Antonio Vivaldi
Catone in Utica | Caton à Utique

1 coffret 3 CD Naïve (2013)
OP 30545
Antonio Vivaldi | Catone in Utica

À partir de la création à Vicence d’Ottone in villa (1713), son premier ouvrage lyrique connu [lire notre chronique du 8 février 2004], Antonio Vivaldi (1678-1741) affiche un intérêt croissant pour la voix et le théâtre, lequel va se développer au point de faire de lui le compositeur d’opéra le plus prolifique de son époque – aux côtés d’Alessandro Scarlatti –, à défaut d’être le plus novateur.

Après La finda ninfa (1732), Bajazet (1735) et Adelaide (1735), c’est de nouveau à Vérone que le célèbre Maestro del Pio Ospedale della Cità di Venezia fait représenter Catone in Utica au printemps 1737, avec un succès éclatant – « Ici, écrit-il à son protecteur ferrarais, le marquis Bentivoglio, Dieu soit loué, mon opéra est aux nues ! » Plus fervent de l’art de Braccioli, Lalli, Lucchini, Silvani ou Zeno que de celui de Pietro Trapasi alias Metastasio qu’il avait pourtant mis en musique avec Siroe re di Persia (1727) et L’Olimpiade (1734), Vivaldi n’a peut-être pas choisi seul le livret qui avait déjà inspiré Vinci (1728), Leo (1729) puis Hasse (1731) ; mais il est sûr qu’il le connaissait au moins depuis une reprise au carnaval de 1729 à Florence, durant lequel sa propre Atenaide [lire notre critique du CD] fut un échec. Comme il est alors courant, le musicien modifie l’original « afin de rendre le drame plus court et plus gai ».

À Utique (capitale de la Numibie, l’actuelle Tunisie), le vieux sénateur républicain Catone a trouvé refuge avec Emilia, la veuve de Pompeo assassiné par Cesare, et sa fille Marzia, promise en mariage au prince Arbace qui les accueille. Déchirée par son amour pour le maitre absolu de Rome devenu l’ennemi de son père, Marzia souffre comme Fulvio, quant à lui partagé entre sa fidélité à Cesare et sa passion pour Emilia. Tandis qu’on empêche le suicide de Catone, cette dernière quitte Utica après un complot avorté contre le tyran qu’elle maudit (« que la main que tu crois de toutes la moins fourbe te lacère le sein ! »). Marzia et Cesare peuvent s’unir dans la liesse générale.

Dans le fonds Foà 38 de la Bibliothèque nationale universitaire de Turin repose la partition autographe de Vivaldi (RV 705), manuscrit amputé de son premier acte et de la sinfonia d’ouverture. Pour parvenir à une reconstitution efficace, Alessandro Ciccolini a favorisé les emprunts aux compositions instrumentales du « Prêtre Roux » plutôt qu’à d’autres ouvrages lyriques, comme cela se faisait de l’époque baroque jusqu’à nos jours (cf. Malgoire en 2002, piochant dans Griselda pour enregistrer Catone). On en trouvera un tableau détaillé dans la notice accompagnant le coffret.

Ce dix-huitième volume des œuvres théâtrales de l’Édition Vivaldi (et cinquante-cinquième titre de la copieuse collection) regroupe des artistes confirmés. Timbre juvénile bien connu mais ici un peu dur, Topi Lehtipuu (Catone) offre des vocalises sûres ; Roberta Mameli (Cesare) livre un chant lumineux, agile et nuancé ; Ann Hallenberg (Emilia) s’avère souple tandis que Sonia Prina (Marzia) fait montre d’expressivité ; Romina Basso (Fulvio) séduit par un grave généreux alors que déçoit Emőke Baráth (Arbace), laborieuse et inhabituellement scolaire. Déjà apprécié à la tête d’Il Complessi Barocco dans Motezuma (1733) [lire notre critique du CD], Alan Curtis n’est mordant qu’à l’abord de la sinfonia empruntée à L’Olimpiade ; il se révèle ensuite d’une vivacité sans heurts, fluide et proche des affects.

LB