Chroniques

par hervé kœnig

Antonio Vivaldi
concerti pour basson (vol.1)

1 CD Naxos (2003)
8.555937
Antonio Vivaldi | concerti pour basson (vol.1)

Ordonné prêtre en 1703, ce n'est évidemment pas pour ses sermons que le Vénitien Antonio Vivaldi (1678-1741) est passé à la postérité ! D'ailleurs, il donna fort peu de messe, et servit en tant que musicien avant tout. Violoniste de grande envergure, il enseigna à l'Hôpital de la Charité, un établissement qui s'occupait de l'éducation de jeunes filles orphelines, indigentes ou illégitimes. Elles étudiaient donc en particulier l'art musical, les plus talentueuses pouvant espérer enseigner à leur tour.

Le basson était un des instruments disponibles dans cette institution. Aussi, Vivaldi lui consacra-t-il trente-neuf concerti (dont quatorze dans la tonalité d'ut majeur), ce qui était inhabituel pour l'Italie de cette époque, le basson étant plutôt emblématique de la musique de cour allemande. Une fois de plus, son écriture et ses choix furent novateurs. Utilisant les ressources quasi percussives de l'instrument, jouant élégamment avec les ressources de tonicité des attaques, tout en exploitant son timbre complexe d'une mystérieuse profondeur qui n'est pas sans rappeler parfois des sonorités orientales (et Venise s'ouvre sur le levant...), le compositeur a produit des petits bijoux dont Naxos ouvre une intégrale discographique : sur ce premier volume, nous trouvons les Concerti en ut majeur RV 476, en fa majeur RV 487, en ut majeur RV 471, en la mineur RV 498, en ut mineur RV 480, en si bémol majeur RV 503 et le Concerto en sol majeur RV 493. Tous obéissent au plan en trois mouvements, le central étant dévolu à un tempo plus lent. Par exemple, après une entraînante ritournelle, le RV 476 emmène-t-il l'auditeur dans une aria méditative puis dans un énergique et élégant Allegro molto.

L'orchestre Nicolaus Esterhazy Sinfonia, réunissant des musiciens choisis parmi les meilleures formations hongroises – créé en 1992 dans le but unique d'enregistrer en studio pour Naxos, et qui peu à peu donna des concerts publiques –, propose une version d'une grande tenue se gardant bien d'oripeaux baroqueux trop radicaux. La sonorité est généreuse tout en préservant une certaine discrétion, toujours délicate, dramatique sans excès, au risque parfois de tirer la musique de Vivaldi vers un classicisme qui finalement n'a rien d'anachronique, puisque cet aspect annonce les travaux de Bach qui lui rendit bien hommage. Ainsi, le chef Béla Drahos approche même un climat étrangement mozartien dans le Concerto en la RV 498, à raison, puisque manifestement la teneur de l'accompagnement et le développement mélodique s'y prêtent volontiers.

C'est le bassoniste Tamás Benkócs, qui a notamment étudié à la prestigieuse Académie Ferenc Liszt de Budapest avant d'être le principal bassoniste de l'Orchestre Philharmonique Malais, qui interprète ces sept concerti, prenant le soin de faire entendre des qualités différentes selon les caractères de chaque page. Le Largo recueilli du Concerto RV 487 est une réussite du genre. De même pourrons-nous citer le Concerto en ut mineur RV 480, d'une mélancolie pesante comme un après-midi trop chaud... Le chef ne s'y trompe pas, d'ailleurs, en prenant appui sur les violoncelles pour relancer la vocalise endiablée du basson dans le mouvement final.

HK