Chroniques

par laurent bergnach

Ernest Alder
pots-pourris d’opéras français

1 CD Atma Classique (2013)
ACD2 2652
Le Trio Hochelaga dans sept pots-pourris d’opéras français, signés Alder

Né dans le canton d’Appenzell (Suisse), Ernest Alder (1853-1904) fait le désespoir de son père, en s’éloignant du négoce de broderies familial. Aurait-il pu en être autrement puisque le musicien, apprenti pianiste et violoniste, commença à composer dès l’âge de douze ans et intégra la classe d’harmonie de François Bazin à celui de dix-huit ? Désormais Parisien, le jeune homme se fait remarquer comme chef d’orchestre (à Toulouse, Alger, Marseille), mais aussi par ses œuvres pour chœur, pour orchestre et pour piano de salon – valses (Bruyères des Alpes, Étincelles, etc.) et mazurkas (La dragonne, La Transvaalienne, etc.), notamment.

De nos jours, c’est l’arrangeur et transcripteur qu’on redécouvre, celui que Le Ménestrel désignait comme un « musicien distingué, connu surtout pour ses nombreux et ingénieux arrangements pour quatuor à cordes ». Mais hors ces derniers, l’intéressé pratique également la réduction pour piano à deux ou à quatre mains (Beethoven, Franck, d’Indy) et pour trio avec piano, violon et violoncelle, comme en témoigne cet enregistrement publié en partenariat avec le Palazzetto Bru Zane.

L’année suivant sa création au Palais Garnier, Alder publie un trio sur des motifs de l’opéra Polyeucte (1878), avec la bénédiction de Gounod, puis réitère l’exercice avec Roméo et Juliette et Faust. Dans les années quatre-vingt-dix, à l’instar d’un Liszt révélant l’architecture d’opéras italiens (Bellini, Donizetti, Rossini, Verdi), le musicien suisse s’attaque aux classiques du répertoire français, parmi lesquels Carmen (Bizet) ou Le roi d’Ys (Lalo), comme à des ouvrages alors en vogue mais moins célèbres aujourd’hui, tels Paul et Virginie (Victor Massé) ou Sigurd (Ernest Reyer).

Bâtis sur les airs et ensembles les plus populaires de l’œuvre d’origine sans jamais dépasser le quart d’heure, les sept pots-pourris réunis ici offrent d’entendre Daniel-François-Esprit Aubert (La muette de Portici, 1828), Jules Massenet (Le Cid, 1885 ; Werther, 1892), Giacomo Meyerbeer (Les Huguenots, 1836 ; Le pardon de Ploërmel, 1859), Camille Saint-Saëns (Samson et Dalila, 1877) et Ambroise Thomas (Mignon, 1866).

Fondé au Canada en 2000, le Trio Hochelaga (« digue de castor » en langue iroquoise) les interprète en familier de l’époque – Dubois, Fauré, Lekeu, Pierné, Rhené-Bâton ou encore Ropartz font leur répertoire. D’emblée, dans un équilibre sans ostentation, Samson et Dalila donne à entendre les qualités d’Anne Robert (violon à la couleur idéalement fin de siècle), Paul Marleyn (profondeur du violoncelle) et Stéphane Lemelin (perlés raffinés au piano). Si certaines pièces séduisent plus que l’opéra qui les inspira, d’autres laissent froids (Massenet, en particulier), sans qu’on puisse incriminer pourtant une exécution gracieuse et point trop salonarde.

LB