Chroniques

par laurent bergnach

Georg Friedrich Händel
Alcina

1 coffret 3 CD Archiv Produktion (2009)
477 7374
Georg Friedrich Händel | Alcina

Premier compositeur à écrire un opéra italien expressément pour Londres, Händel signe la partition d'Alcina plus de vingt ans après celle de Rinaldo (1711). Entre temps, le natif de Halle a créé la Royal Academy of Music pour soutenir ce genre nouveau – en compagnie de Giovanni Porta, Attilio Ariosti ou encore Giovanni Bononcini. Mais les parodies tout d'abord (l'avènement des ballad operas en langue anglaise), puis une sérieuse concurrence mettent à mal son entreprise – apparu en 1933, The Opera of the Nobility oblige notamment Händel à quitter le King's Theatre du Haymarket pour le tout récent Covent Garden. C'est dans ce contexte de lutte pour la suprématie artistique et de course aux chanteurs vedettes qu'est présenté Alcina, le 16 avril 1735, quelques mois avant que les deux compagnies rivales ferment leurs portes, irrémédiablement endettées.

Le succès est au rendez-vous : plus de dix-huit représentations régalent le public enthousiasmé par la présence de chanteurs anglais, celle d'une compagnie de danse française, et par une machinerie qui sert au mieux l'intrigue à base de merveilleux. Comme en témoigne cet avis paru dans l'Universal Spectator, certains virent en l'ouvrage un conte moral :

« L'œuvre prouve que ni le conseil d'amis ni l'exemple d'autrui ayant souffert des effets mêmes que nous recherchons ne peuvent empêcher le jeune écervelé entêté de chasser les plaisirs imaginaires ou fugaces qui le conduisent infailliblement à des réflexions cruelles et à un repentir trop tardif. La beauté et l'inconstance d'Alcina manifestent dans leur essence la brièveté de tous les plaisirs terrestres qui sont perdus dès qu'ils sont atteints. »

Enregistrée fin 2007, cette version offre l’avantage de chanteurs exceptionnels, soutenus par Il Complesso Barocco sous la direction sagement moelleuse d'Alan Curtis, ainsi qu'une acoustique d'église qui sert l'intériorité des personnages. L'ampleur et la pâte vocale ne sont que quelques-unes des qualités que Joyce DiDonato apporte au rôle-titre, et il suffit, pour s'en persuader, d'écouter son air de douleur vengeresse Ah ! mio cor, schermito sei ! (Acte II, scène 8). Maite Beaumont offre à Ruggiero souplesse et virtuosité. Sonia Prina (Bradamante) se montre agile dans l'ornement. Malgré quelques attaques agressives, Karina Gauvin séduit par des graves solides et des aigus fulgurants. Kobie van Rensburg (Oronte) s'avère virilement nuancé et Laura Cherici (Oberto) colorée autant qu’expressive.

LB