Chroniques

par samuel moreau

Georg Friedrich Händel
Hercules | Hercule

1 DVD Bel Air Classiques (2005)
BAC 013
production créée à Aix-en-Provence en juillet 2004

Créée à Aix-en-Provence en juillet 2004, reprise et captée au Palais Garnier en décembre, cette production d'Hercules est honorable à plus d'un titre. D'abord, par l'approche de Luc Bondy, lequel fut réticent à mettre en scène cet oratorio de 1745 – au livret de Thomas Broughton s'inspirant des Trachiniennes de Sophocle et des Métamorphoses d'Ovide –, puis s'est demandé « à quoi cela pourrait bien ressembler, une histoire pareille, aujourd'hui ? ». En trois actes, nous assistons aux dernières heures du célèbre demi-dieu antique, attendu par sa femme Déjanire, par son fils Hyllus, et qui revient victorieux d'Œchalie avec la princesse Iole, une prisonnière dont il attend l'amour. Cette rivale supposée transforme Déjanire en instrument fatal : sa jalousie conduit le héros au néant terrestre et elle-même à la folie. Bondy livre une réflexion sur la nature du conquérant – lequel a rasé une ville pour une fille –, qui fait mouche sans être pesante. L'actualisation est générale, et ne met en cause aucun conflit contemporain précis qui forcerait le public à contempler, voire choisir le camp du bien ou celui du mal. La direction d'acteurs, par certains gestes discrets, révèle toute sa finesse.

Ensuite, cette production jouit d'une belle distribution. Le mezzo américain Joyce DiDonato est une Dejanira inoubliable ; d'un grand format, sa voix est à la fois musclée et agile, source d'un chant puissant et doux. Expressivité et nuances sont au rendez-vous, enveloppés d'une sensibilité à fleur de peau – Cease, ruler of the day, to rise (Acte II scène 6), par exemple. Malena Ernman – qui vient d’incarner le rôle-titre de Julie, l'opéra de Boesmans [lire notre critique du DVD] –, incarne un Licas convaincant. Le timbre est riche, la vocalise facile, l'accentuation expressive, la couleur gérée sur toute l'étendue de la tessiture et le grave particulièrement corsé. Dix années après ses débuts, Toby Spence (Hyllus) confirme son talent, par un chant plus épicé qu'à l'ordinaire. Contrairement à ceux du jeune ténor, les graves du baryton William Shimell ne sonnent pas, mais son Hercules belliqueux est abordé avec du caractère. Seule Ingela Bohlin (Iole) déçoit par un chant assez confidentiel, au médium problématique, au jeu soporifique. Le chœur, en revanche, séduit par sa présence active et tonique.

William Christie conduit un orchestre rutilant, expressif, équilibré, dynamique : à la tête des Arts Florissants, il nous régale des audaces harmoniques de Händel – ou des réminiscences de Purcell et Vivaldi, dans la scène finale des Furies – et nous surprend par l'usage, si rare chez lui, d'un orgue en basse continue.

SM