Chroniques

par pierre-jean tribot

Jean-Michel Damase
pièces avec flûte

1 CD Pierre Verany (2005)
PV 705041
Jean-Michel Damase | pièces avec flûte

Le compositeur Jean-Michel Damase est un pur produit de l'école française. Fils de la grande harpiste Micheline Kahn (créatrice de l'Introduction et allegro de Ravel), ce Bordelais de naissance étudie avec Alfred Cortot, Armand Ferté, Henri Büsser et Marcel Dupré à l'École Normale de Musique puis au Conservatoire de Paris. Ce brillant parcours académique est couronné, en 1947, par le Premier Grand Prix au Concours de Rome. Fasciné par la scène, Damase écrit des ballets et des opéras, comme La Croqueuse de diamants (1950) réalisée pour Roland Petit, ou Eurydice (1972) sur un texte de Jean Anouilh. Le compositeur, grand admirateur de l'école française de Fauré à Poulenc et Ibert, reconnaît « préférer la sincérité à l'innovation forcée ». À l'instar d'un Jean Françaix, il lui est difficile d'exister médiatiquement, en dépit du soutien d'artistes comme Jean-Pierre Rampal. Il faut attendre 2004 et la reprise marseillaise de son opéra L'Héritière, sur un livret de Louis Ducreux, pour observer un retour en grâce de ses compositions.

Le présent disque regroupe des partitions pour vents et piano écrites entre 1952 et 1991. Pas de grands bouleversements stylistiques entre ces deux dates, l'artiste restant fidèle à cette esthétique française qui résulte d'un savant mélange entre solidité des structures formelles, maîtrise de l'instrumentation, finesse des timbres et gouaille jubilatoire. On ne sera pas étonné qu'au pays du sérialisme tant militant qu'intégral, les commandes proviennent de l'étranger : la Sonate en concert pour flûte est issue d'une demande du grand flûtiste britannique Geoffroy Gilbert (1914-1989) et le Quatuor pour flûte, clarinette, hautbois et piano d'un projet initié par le flûtiste et chef d'orchestre américain Ransom Wilson. Sans faiblesse, ce programme s'articule autour de la brève sonate qui apparaît comme la pièce maîtresse de cet enregistrement. D'une construction élaborée en référence aux formes baroques, elle se hisse au niveau de la sonate de Poulenc pour son charme et son invention mélodique. On sera aussi séduit par le Quatuor pour flûte, hautbois, clarinette et piano (1991), avec sa grande fluidité mélodique, tandis que le Trio pour flûte, hautbois et piano (1962) joue à merveille avec les timbres.

Réunis autour du compositeur qui assure les parties de piano et la caution authentique des interprétations, on retrouve quelques éminents représentants de l'école hexagonale des vents : le flûtiste et soliste international Gérard Bourgogne ou le hautboïste Jacques Thys, professeur au Conservatoire National Supérieur de Musique. Ils se jouent des difficultés techniques et font ressortir la sève très française de ces partitions. Les disques Pierre Verany sont toujours de beaux objets, mais on peut regretter une prise de son trop réverbérée ; cependant, cette réserve n'entache pas notre enthousiasme face à un enregistrement qui récompense enfin un parcours artistique sincère et sans concessions.

PJT