Chroniques

par laurent bergnach

Johann Joseph Fux
Dafne in lauro | Daphnée changée en laurier

2 CD Arcana (2021)
A 488
Alfredo Bernardini joue "Dafne in lauro" (1714) de Johann Joseph Fux

Poursuivant des études universitaires à Graz puis à Ingolstadt avant d’exercer comme organiste à l’abbaye Schottenstift au cœur de Vienne, l’Autrichien Johann Joseph Fux (c.1660-1741) se rend en Italie, au mitan de son existence. Il en revient porteur de l’enseignement de Bernardo Pasquini, réputé comme compositeur, organiste et claveciniste, et d’une admiration grandissante pour l’art du défunt Palestrina – la figure de ce dernier apparaîtra sous celle du maître Aloysius dans Gradus ad Parnassum (1725), le traité de contrepoint de Fux qu’Haydn, Mozart et Beethoven eurent sous les yeux. Le talent du Viennois d’adoption lui permet alors d’accéder au poste demaître de chapelle de la cathédrale Saint-Étienne (1712), puis à la cour impériale (1715). C’est entre ces deux dates qu’il s’attelle à Dafne in lauro.

Componimento per camera (composition chambriste) conçu pour célébrer un anniversaire de Charles VI, Empereur élu du Saint-Empire romain germanique depuis 1711, l’ouvrage repose sur le livret de Pietro Pariati (1665-1733), poète impérial durant une quinzaine d’années, au terme de laquelle Metastasio prendrait sa place. Il est représenté au Hofftheater le 1er octobre 1714 avec les soprani Maria Landini (Dafne) et Regina Schoonians (Diana), aux côtés de Giovanni Vincenzi (Amore), Gaetano Orsini (Apollo) et Silvio Garghetti (Mercurio), respectivement soprano, alto et ténor.

En cette fin de premier quart de siècle, le festival Styriarte de Graz propose de redécouvrir six trésors oubliés de l’enfant du pays (Julio Ascanio d’Alba, La corona d’Arianna, etc.), entre 2018 et 2023 – un projet sans doute bousculé par la récente pandémie. Notre enregistrement se fonde sur trois représentations ayant eu lieu Helmut List Halle (20-22 juin 2019), d’où une prise de son qui paraît un peu terne et sommaire, parfois. La fosse est cependant épargnée, faisant goûter l’articulation à la fois souple et vive d’Alfredo Bernardini, à la tête de l’ensemble Zefiro, ainsi que certains solistes marquants : Alberto Grazzi (bassson), Marcello Gatti (flûte), Lorenz Duftschmid (viole de gambe) ou encore Miguel Rincón (théorbe).

En amont des conventions baroques répandues par Vivaldi et Händel, des airs souvent courts et rares en da capo sont confiés aux cinq artistes de la production, dont trois soprani : Monica Piccinini (Diane), d’abord effacée avant de gagner en agilité et fluidité, magnifiant le premier duetto de l’ouvrage (Non v’è pace, non v’è calma) [lire notre chronique d’Euridice] ; Arianna Vendittelli (Dafne) qui, à l’inverse, affiche d’emblée un format généreux, un chant qui gagne en caractère, pour se révéler gracieux, à mesure qu’approche un ultime lamento (Lascio d’esser, Ninfa, sì) [lire nos chroniques de Le nozze in sogno, San Giovanni Battista, Merope et Ermione] ; Sonia Tedla (Amore), à la saine vivacité dramatique (Io so con cento frodi). Côté messieurs, le contre-ténor charnu de Raffaele Pe (Apollo) régale l’écoute par de charmants agréments et une inflexion élégante [lire nos chroniques de Didone abbandonata, Ipermestra, Orfeo, Hémon et Ottone, re di Germania], tandis que le ténor Valerio Contaldo (Mercurio), qui allie impact et harmonies généreuses, assume sans faillir des airs brillants ou de bravoure (A l'or ch'è più agitato) [lire nos chroniques de La Didone, Il palazzo incantato, Combattimento, L’Orfeo et Acis and Galatea].

LB