Chroniques

par cecil ameil

Ludwig van Beethoven
pièces pour violoncelle et piano

1 CD Naxos (2002)
8.555785
Ludwig van Beethoven | pièces pour violoncelle et piano

Comme bien d'autres versions, voici un premier volume des œuvres pour piano et violoncelle du compositeur allemand enregistré en mars 2002 comprenant l'Opus 5, des variations sur un thème de Mozart – « Bei Mannern, welche Liebe fuhlen » (Die Zauberflote) – et un arrangement de l'Opus 17, ce qui appelle les autres sonates, vraisemblablement à venir l'Opus 69 et l'Opus 102.

On constate qu'il y a rarement deux enregistrements qui reprennent exactement les mêmes pièces pour piano et violoncelle de Beethoven, sans compter les imprécisions de pochettes (celle de Naxos se réfère aux Cello Sonatas n°1 et n°2, sans plus d'indication). Entre les cinq sonates d'origine, les variations sur opéras de Mozart, les arrangements de duos écrits pour d'autres instruments que le violoncelle (comme ici à partir de la Sonate pour cor et piano en fa majeur Op.17) et des menuets, les combinaisons sont multiples et obligent l'acheteur à s'approprier des coffrets ou plusieurs CD des mêmes interprètes (quand ils existent !) pour faire des recoupements.

Dans les pièces à deux instruments écrites ou adaptées des compositeurs des XIXe et XXe siècles, on s'interroge souvent sur la place du violoncelle par rapport au piano. Précurseur, l'Opus 5, édité en 1797, est considéré comme le premier exemple jamais écrit de sonates pour ces deux instruments. Beethoven les avait d'ailleurs intitulées « avec violoncelle obligé », signifiant par là que ce qui n'avait jamais été auparavant qu'une basse continue accompagnant un instrument principal (flûtes, claviers ou autres) prenait soudain une place à part, méritant une partition totalement écrite. Ce n'est certes pas un hasard si le premier mouvement de la première des deux sonates laisse une telle place à l'archet, au moins dans les toutes premières minutes.

Comme Anner Bylsma et Malcolm Bilson dans les années quatre-vingt, Naxos nous livre une version au lyrisme intense, aussi bien de la part de la violoncelliste que de la pianiste. Avec Maria Kliegel et Nina Tichman, le jeu est comme littéralement projeté vers l'audience, avec exubérance, au lieu d'en appeler à un effort d'écoute de la part de l'auditeur. C'est particulièrement notable dans le premier mouvement de la Sonate en fa majeur Op.5 n°1, totalement endiablé ! Néanmoins, contrairement à leurs prédécesseurs dont les élans sont emprunts d'une musicalité commune, on a ici l'impression d'une tension permanente entre les deux partenaires plutôt que d'une réelle symbiose. Choix d'interprétation, certes mené avec brio et qui a le mérite de ne pas engendrer l'ennui, cette approche est tout à fait bienvenue dans la Sonate Op.17, où le violoncelle doit remplacer un cor que l'on devine très chantant dès les premières notes. Chez Maria Kliegel, on reconnaît d'ailleurs les élans de son maître Janos Starker, la même expression de volonté inflexible, la même densité de son.

Revers de la médaille : les deux Allemandes font preuve de lourdeur dans les parties lentes (sensible dans le premier mouvement de la Sonate en sol mineur Op.5 n°2), et le violoncelle s'impose avec une telle force qu'on pourrait croire qu'il cherche à faire taire son partenaire, lequel le lui rend un peu trop systématiquement dans une surenchère qui peut engendrer une certaine lassitude.

En fait, à l'inverse de la plupart des autres versions, le violoncelle de Maria Kliegel est presque toujours mis en avant (c'est aussi le cas de la version de Pablo Casals avec divers pianistes, mais on peut penser que cela vient de l'enregistrement qui date d'avant guerre). A contrario, cela met en évidence dans d'autres versions de ces sonates la sagesse du violoncelle dans les nombreux passages à deux – ou bien l'omniprésence du piano, à la partition indubitablement plus flatteuse.

D'une certaine manière, on dirait que Mesdames Kliegel et Tichman cherchent à reproduire la même puissance de jeu que leurs homologues qui travaillent sur instruments anciens, notamment Bylsma, que ce soit avec Bilson ou bien avec Jos van Immerseel, douze ans plus tard. Seulement, ce qui est concevable avec des instruments plus mesurés s'avère plutôt féroce sur instruments modernes.

D'autres lectures, en apparence plus apaisées, comme on le remarque parfois chez les interprètes de Beethoven, n'en sont pas moins intéressantes. C'est le cas par exemple de la version récente des Tchèques Klansky et Kanka qui privilégie un legato profond et rejette tout heurt. C'est bien le cas, aussi, de Daniel Barenboim et Jacqueline du Pré qui trouvèrent un équilibre à la fois enlevé et sobre, pour la BBC en 1970 (mais sans la ferveur de leurs anthologiques sonates de Brahms, enregistrées deux ans plus tôt). Ces approches, si elles requièrent a priori une attention supplémentaire qui procure une attraction moins immédiate, sont sans doute plus cohérentes.

CA