Chroniques

par laurent bergnach

Péter Eötvös
concerti variés

1 CD Budapest Music Center Records (2014)
BMC CD 170
Péter Eötvös dirige trois de ses concerti : CAP-KO, Seven et Levitation.

Comme l’a rappelé une récente carte blanche parisienne [lire notre chronique du 22 novembre 2014], la musique de Péter Eötvös n’a pas vocation à se limiter au seul monde des théâtres lyriques. Cependant, à l’instar de László Tihanyi dans la notice de cet enregistrement tout frais dans les bacs, il est intéressant de voir que le compositeur développe une affinité avec le concerto boudé dans sa jeunesse, « peut-être le genre instrumental le plus dramatique » qui soit, et ce depuis la création de Trois sœurs (1998) [lire notre critique du CD].

Des trois concerti présents, CAP-KO (Munich, 2006) est le plus ancien, fruit d’une commande de plusieurs formations européennes qui souhaitaient célébrer la naissance de Béla Bartók (1881-1945), cent vingt-cinq ans plus tôt. Comme point de départ, Eötvös pense tout naturellement à la Sonate pour deux pianos et percussion Sz.110 (Bâle, 1938), au goût de l’aîné pour le jeu rapide du pianiste aux deux mains parallèles tandis que les intervalles varient, etc. C’est une captation de la radio suédoise qu’on entend ici, réunissant l’Orchestre Symphonique de Götenborg (Göteborgs Symfoniker) et Pierre-Laurent Aimard, les doigts sur un piano de concert et sur un piano MIDI – un instrumentarium qui donne son titre acronymique à ce Concerto for Acoustic Piano, Keybord and Orchestra rarement au repos.

L’explosion d’une navette Columbia, le 1er février 2003, laisse Eötvös sous le choc. Lui que la conquête spatiale fait rêver depuis l’enfance se désole de la mort de ses sept occupants – dont Ilan Ramon, premier astronaute israélien, et Kalpana Chawla, qui a emporté, pour sa mission de quinze jours, ses disques de Ravi Shankar et Deep Purple. Il imagine un portrait musical de chacun, à partir de simples données biographiques. Ainsi naît Seven (Lucerne, 2007), concerto pour violon que le chiffre 7 structure (quarante-neuf interprètes, septolets, etc.). Souvent dirigé et gravé par son auteur [lire notre critique du CD], le concerto met en vedette Akiko Suwanai lors d’un concert budapestois, lequel est prodigue en détails grâce à une prise de son exemplaire.

Enfin, conçue pour deux clarinettes, orchestre de cordes et accordéon, Levitation (2008/2011) semble aujourd’hui revêtir son habillage définitif, plusieurs fois remaniée depuis sa création aux Iles Canaries. La captation londonienne, avec le BBC Symphony Orchestra et les solistes Richard Hosford et John Bradbury, met en relief ce qu’Eötvös a voulu écrire : « une musique horizontale qui sache danser sans toucher le sol » [lire notre chronique du 22 mars 2009]. Touffu et virtuose à l’image de CAP-KO, le concerto s’allège peu à peu de son matériau à mesure qu’approche l’ultime mouvement, La résurrection de Petrouchka – un pantin que nous avions quitté sous forme de fantôme, dans le ballet de Stravinsky.

LB