Chroniques

par laurent bergnach

récital Ensemble Stravaganza
Courbois – Jacquet de La Guerre – Lambert – Marais – Rameau

1 CD Muso (2015)
mu 009
Cantates baroques françaises par Stravaganza et Hasnaa Bennani

Ensemble à géométrie variable, Stravaganza regroupe des musiciens solistes issus de divers conservatoires européens (Amsterdam, Lyon, Paris, etc.), que l’on retrouve parfois dans les formations dirigées par Bernfeld, Beyer, Gaillard, Kossenko ou encore Reyne. On l’aura compris, les artistes réunis autour de Domitille Gilon (violon Amati frères, 1630) et Thomas Soltani (clavecin d’après François Blanchet, 1730), qui assurent la direction en alternance, servent la période baroque et principalement la musique de chambre des XVIIe et XVIIIe siècles, pour un ou deux dessus.

Dans ce programme centré sur la voix, deux des cinq compositeurs servent d’interludes, pourrait-on dire. Il s’agit de Marin Marais (1656-1728) et d’Elisabeth Jacquet de La Guerre (1665-1729). En amont de la présentation d’Alcide (1693), tragédie lyrique écrite avec Louis Lully, fils aîné de Jean-Baptiste, le célèbre gambiste apparaît comme l’un des premiers Français à écrire des pièces en trio, pour deux dessus et basse. La courte Chaconne (Suite I en ut majeur) issue de Trios pour le Coucher du Roy (1692) est jouée ici, quand nous entendons de la cousine de Couperin et protégée de Louis XVI une Sonate en ré mineur n°1 pour violon, viole obligée et basse continue (1707). Sept mouvements prouvent de son aisance à livrer des pages contrastées et subtiles.

Durant la première moitié du XVIIIe siècle, l’Europe connait l’essor de la cantate. En France, cette forme pour effectif réduit et absence de théâtre est à son apogée entre 1680 et 1750. Les destins tragiques de la mythologie grecque sont une source d’inspiration vive, comme le prouvent Nicolas Bernier avec six livres de cantates, André Campra avec trois [lire notre critique du CD] et, ici-même, Jean-Philippe Rameau (1683-1764) et Philippe Courbois (1705-1730).

En amont de sa collaboration avec Piron pour le théâtre de la foire, l’ancien organiste s’intéresse au motet et à la cantate profane – neuf au total, dont deux publiées et deux autres perdues, rappelle Sylvie Bouissou [lire notre critique de l’ouvrage Rameau]. Opéra en miniature, Orphée (1721) appartient au lot qui nous est parvenu sous forme de copies manuscrites, souvent millésimées par leur copiste respectif. Nous y entendons le chant tendre et coloré d’Hasnaa Bennani, jadis apprécié au service de Barbara Strozzi [lire notre chronique du 16 juillet 2014], ainsi que des ornements agiles dans l’Air gracieux – J’ai pour témoin de ma victoire. Malheureusement, la diction pâtit de l’onctuosité générale.

Très actif dans les premières années du Concert spirituel (1725-1791), Courbois se partage entre sacré et profane. Pièce attachée à la victime du « perfide Thésée », Ariane (1710) plonge l’auditeur dans une atmosphère teintée d’angoisse et de mélancolie. De fait, elle est au diapason d’Ombre de mon amant (1689), air de cour signé Michel Lambert (1610-1696) – connu comme maître de chant, théorbiste et beau-père de Lully. L’expressivité du soprano se déploie en accord avec la déploration prenante du personnage à l’agonie (« C’est sur cette fatale rive que j’ai vu votre sang couler avec mes pleurs »).

LB