Chroniques

par laurent bergnach

récital Joyce DiDonato
Bernstein – Copland – Heggie

1 CD Eloquentia (2005)
EL 0504
récital Joyce DiDonato | Bernstein – Copland – Heggie

Connue pour ses interprétations dans Händel, Mozart ou encore Rossini, Joyce DiDonato, à travers trois générations de compositeurs américains, sait aussi défendre la mélodie de langue anglaise. Le pianiste David Zobel accompagne ce premier enregistrement solo qui s'ouvre avec Two Love Songs (1960) de Leonard Bernstein (1918-1990), auquel s'ajoute trois des douze chansons de Songfest (1977) – recueil célébrant le bicentenaire de l'indépendance. Alors que le compositeur souffrait d'un certain manque de reconnaissance par rapport au chef charismatique qu'il était aussi, DiDonato s'avoue impressionnée par « ces chansons, ciselées avec le plus grand art, et qui expriment un désir tourmenté de l'inaccessible : un amour perdu, une jeunesse qui n'est plus, ou l'envie irrépressible de liberté ».

Considéré de son vivant comme un des plus grands compositeurs de son pays, apprécié pour sa description de vastes espaces et l'expression de sentiments nationaux, Aaron Copland (1900-1990) s'est intéressé à la poésie d'une recluse notoire pour Twelve poems of Emily Dickinson (1950). « Plus je lisais, écrit-il dans son autobiographie, plus sa vulnérabilité et sa solitude me touchaient. Les poèmes semblaient être l'œuvre d'une âme à la fois sensible et indépendante. » Pour chaque nuance de cette poésie, le cycle trouve une correspondance musicale qui permet au mezzo-soprano d'alterner délicatesse (Sleep is supposed to be) et expressivité (I felt a funeral in my brain).

Donnant son nom à l'enregistrement, The Deepest desire, quatre chansons de Jake Heggie (né en 1961), clôt ce cheminement à travers le désir en interrogeant la frontière entre l'amour et la foi. Le nom d’Helen Prejean, son travail avec les détenus du couloir de la mort, nous sont parvenus grâce à l'interprétation de Susan Sarandon dans Dead Man Walking, éclipsant l'opéra du même nom créé par Heggie à San Francisco, le 7 octobre 2000. Au compositeur qui souhaitait connaître sa définition de la spiritualité, la religieuse a répondu qu'après s'être débarrassée de toutes choses soi-disant nécessaires, « elle était rentrée dans les eaux les plus profondes de son être, et c'est là qu'elle a découvert l'essence de sa spiritualité : le désir le plus profond de son cœur ». De cette confession orale puis écrite de son parcours est né le recueil, fait de constats (« Y a-t-il une vie avant la mort ? ») et d'anecdotes (le voile enflammé à un cierge), auquel nous prépare un assez long solo de flûte – Frances Shelly.

LB