Chroniques

par hervé könig

Reinhold Glière
Quatuors à cordes Op.2 n°1 – Op.20 n°2

1 CD Hungaroton Classic (2006)
HCD 32401
Reinhold Glière | Quatuors à cordes n°1 – n°2

Assez méconnus du grand public aujourd'hui, la vie et l'œuvre de Reinhold Moritsévitch Glière n'en demeurent pas moins un chapitre intéressant de la vie artistique russo-soviétique. Né à Kiev le 11 janvier 1875 (soit le 30 décembre 1874, selon le calendrier julien), l'enfant apprend très tôt le violon. De source sûre, sa mère, Josephine Korczak, était polonaise, tandis que les origines de son père sont saxonnes pour ceux qui orthographient son nom Moritz Glier, liégeoises pour ceux qui le dénomment Maurice Glière. Quoi qu'il en fût, ledit père était facteur d'instruments à vents et musicien d'un assez bon niveau, pratiquant la flûte, la clarinette, la trompette et le cor. Sa progéniture se montrerait également musicienne, puisque le petit frère de Reinhold fut violoncelliste et pianiste leur sœur. Les premiers cours du futur compositeur débutent avec le violoniste tchèque Otokar Ševcik. Il quitte ensuite l'Ukraine pour Moscou et le Conservatoire où, à l'aube de ses vingt ans, il suivra les cours de Taneïev, Arenski, Hrimaly, Ippolitov-Ivanov et Konyus. Avant même la fin de ses études, il compose beaucoup, notamment pour ensemble à cordes : de cette époque date son Quatuor à cordes en la majeur Op.2 n°1 (1900).

C'est dans une majesté simple qu'est exposée la tendre mélodie introduisant l'Allegro initial. Les membres du Quatuor Pulzus proposent ici une lecture rendant parfaitement compte de la fraîcheur de ton de cette composition d'un musicien de vingt-cinq ans dont l'extrême maîtrise étonnera. La nuance est délicate, le lyrisme avoué, le discours toujours charmant.

Diplômé en 1900 grâce à l'opéra en un acte Ciel et terre d'après Byron, Glière approfondit ses études lors d'un séjour de deux années à Berlin, auprès du chef d'orchestre Oskar Fried. Il créera lui-même sa Symphonie Op.25 n°2 à Berlin, en 1907. Livrant sous sa propre battue Sirènes Op.33 à Moscou en 1908, il partagera son temps entre la composition et l'enseignement au Conservatoire de Kiev dont il deviendra le directeur. Entre temps, il a écrit le Quatuor à cordes en sol mineur Op.20 n°2.

Plus tendu, moins aimable, la couleur de ce second quatuor flirte avec le drame. On y retrouvera les accents de Tchaïkovski, assez évidemment, mais aussi de Rubinstein, et certains traits moins directs témoignant d'une époque.

À partir de 1920, loin d'être laminé par la récente révolution, Glière repart au Conservatoire de la nouvelle capitale pour y enseigner la composition, jusqu'à sa retraite, en 1941. Avec le ballet Le pavot rouge (1926), il signe « la première œuvre théâtrale vraiment soviétique ». A la fin des années trente, alors que la plupart des associations culturelles sont dissoutes par le Parti, le musicien est nommé Artiste du Peuple et devient président du comité d'organisation de l'Union des Compositeurs de Moscou (de 1838 à 1948). En tant que l'un des derniers représentants de l'École nationaliste, il favorisa le développement artistique régional des nombreux peuples soviétiques, faisant dans ses propres œuvres quelques emprunts aux cultures d'Azerbaïdjan, d'Ouzbékistan, etc. Il est mort le 23 juin 1956, laissant un catalogue respectable dont on écoutera avec intérêt le Concerto pour harpe (1938) et surtout la monumentale Symphonie « Ilya Mourometz » Op.42 n°3 (1911) décrivant en quatre mouvements les pérégrinations d'un héros légendaire ukrainien dans des dimensions qu'on qualifiera de mahlérienne mais avec un matériau plus proche de Strauss, Puccini et Scriabine. Il revint au quatuor à cordes en 1928 et 1948. Au terme de cinquante années de purgatoire, l'Occident redécouvre cet adepte de l'école romantique, mélodiste riche et expressif quoique conservateur.

HK